VI. Collisions élastiques (1)

Aspect général

1. Notion de diffusion

En mécanique classique, les collisions de deux particules sont complètement déterminées par leurs vitesses et leur paramètre d’impact, distance à laquelle elles ne feraient que se croiser en l’absence d’interaction.

En mécanique quantique, trajectoire et paramètre d’impact sont dépourvus de sens. La grandeur intéressante est la probabilité que, suite à une collision, les particules dévient ou qu’elles diffusent plutôt de tel ou tel angle.

Ces collisions sont élastiques, c’est-à-dire sans transmutations des particules ou, si ces particules sont complexes, sans changement de leur état interne.

Le problème de la collision élastique peut être ramené, comme tout problème de deux corps, à celui de la diffusion d’une particule de masse réduite dans le champ \(U(r)\) d’un centre de force fixe.

Hypothèses :

  • L’interaction spin-orbite des particules (au cas où elles seraient douées de spin) est négligée.

  • Le champ central est supposé symétrique, ce qui exclut de l’examen les processus tels que la diffusion des électrons par les molécules.

Un proton est bombardé par un flux de neutrons, tous de même vitesse, sur des trajectoires identiques, pratiquement canalisées.

Les neutrons sont assimilables à des sphères de rayon \(R\) ( pratiquement le même rayon pour les protons et les neutrons) : \[R~\approx~1,5\times 10^{-15}~\rm m\]

Si \(p\) désigne la distance qui sépare le centre du proton de la trajectoire qu’aurait le neutron en l’absence de proton, nous voyons que pour \(p>2~R\), rien ne se passe. Seuls les protons pour lesquels \(p<2~R\) peuvent frapper le proton.

2. Notion de section efficace

Soit \(\nu\) le nombre de chocs par seconde.

Le flux de neutrons à travers le disque de rayon \(2R\) a pour expression : \[\nu~=~4\pi~R^2~n~v\]

  • \(v\) : vitesse des neutrons incidents

  • \(n\) : densité des neutrons incidents

On appelle section efficace totale la quantité : \[\sigma_e~=~4\pi~R^2\]

Tout se passe comme si le proton engendrait une surface d’ombre égale à \(\sigma_e\).

La distance \(p\) est le paramètre d’impact.

Le choc étant élastique, l’angle d’incidence est égal à l’angle de réflexion. Il s’ensuit que la déviation \(\theta\) subie par le projectile est : \[\theta~=~\pi-2~\varphi\qquad;\qquad p=2~R~\sin\varphi\]

Déterminons combien de neutrons subissent, par unité de temps, une déviation comprise entre \(\theta\) et \(\theta+d\theta\).

Après le choc, ces particules seront entre les cônes d’angles au sommet \(\theta\) et \(\theta+d\theta\) :

\[\begin{aligned} \theta+d\theta~&=~\pi~=~-2~(\varphi+d\varphi)\\ d\theta~&=~-2~d\varphi\\ dp~&=~2~R~\cos\varphi~d\varphi\end{aligned}\]

Les particules qui subiront une déviation comprise entre \(\theta\) et \(\theta+d\theta\) auront des paramètres d’impact compris entre \(p\) et \(p+dp\).

Elles passent à l’intérieur d’une couronne d’aire : \[dS~=~2\pi~p~dp\]

Leur nombre par unité de temps est égal à : \[d\nu~=~2\pi~p~dp~n~v~=~2\pi~R^2~\sin\theta~d\theta~n~v\]

On appelle section efficace différentielle la quantité : \[\sigma_e(\theta)~=~\frac{d\nu}{2\pi~\sin\theta~d\theta~n~v}~=~R^2\]

La somme des particules diffusées dans toutes les directions de l’espace doit être égale aux particules incidentes qui frappent la section efficace totale : \[n~v~=~\int_0^{\pi}\sigma_e(\theta)~2\pi~\sin\theta~d\theta~=~\sigma_0~n~v\]

Les sections efficaces se mesurent en barns (1 barn = \(10^{-28}~\rm m^2\)).

On trouve que \(\sigma_0\approx 0,25\) barn. Elle est indépendante de l’énergie du neutron.

3. Détermination théorique d’une section efficace

3.1. Position du problème

Le problème a été ramené à celui de la diffusion d’une particule de masse réduite dans le champ \(U(r)\) d’un centre de force fixe.

Le centre d’inertie des deux particules est considéré au repos. Soit \(\theta\) l’angle de diffusion.

\(\theta_1\) et \(\theta_2\) étant les angles des deux particules dans un système où l’une des particules (la seconde) était au repos avant la collision : \[\tan\theta_1~=~\frac{m_2~\sin\theta}{m_1+m_2~\cos\theta}\qquad;\qquad\theta_2=\frac{\pi-\theta}{2}\]

Dans le cas particulier où les deux masses sont identiques : \[\theta_1+\theta_2~=~\frac{\pi}{2}\]

C’est à dire que les particules rebondissent sous un angle droit.

Sauf mention contraire, notre système de coordonnées sera lié au centre d’inertie.

3.2. Équation de la diffusion

3.2.1. Formule de H. Faxen et J. Holtsmark

Une particule se mouvant dans le sens positif de l’axe est décrite par l’onde plane : \[\Psi~=~\exp(i~k~z)\]

Les particules diffusées doivent être décrites loin du centre par une onde sphérique divergente de la forme : \[\frac{f(\theta)}{r}~\exp(i~k~r)\qquad f(\theta)~:~\text{amplitude de diffusion}\]

De la sorte, la fonction d’onde exacte, solution de l’équation de Schrödinger avec l’énergie potentielle \(U(r)\), doit avoir aux grandes distances la forme asymptotique : \[\Psi~\approx~\exp(i~k~z)~+~\frac{f(\theta)}{r}~\exp(i~k~r)\]

Toute solution de l’équation de Schrödinger dans un champ central est la somme de produits de fonctions sphériques par des fonctions radiales \(R_l(r)\) satisfaisant aux équations : \[\frac{1}{r^2}~\frac{d}{dr}\Big(r^2~\frac{dR_l}{dr}\Big)~+~\Big\{k^2-\frac{l~(l+1)}{r^2}-\frac{2~m}{\hbar^2} ~U(r)\Big\}~R_l~=~0\]

La forme asymptotique de la fonction \(R_l\) est l’onde stationnaire : \[R_l~=~\frac{a_l}{r}\sin(k~r-\frac{\pi~l}{2}+\delta_l)\qquad;\qquad a_l=\sqrt{\frac{2}{\pi}}\]

On peut exprimer l’amplitude de la diffusion à l’aide des phases \(\delta_l\) de ces fonctions.

Tous calculs faits, la fonction d’onde se présente sous la forme :

\[\begin{aligned} \Psi~&\approx~\frac{i}{2~k~r}\sum_{l=0}^{\infty}(2~l+1)~P_l~(\cos\theta)~\{(-1)^l~\exp(-ikr)-S_l ~\exp(i~k~r)\}\\ S_l~&=~\exp(2i~\delta_l)\qquad;\qquad P_l~:~\text{polynôme de Laguerre}\end{aligned}\]

En revenant à la définition de \(\Psi\) et en identifiant : \[f(\theta)~=~\frac{1}{2i~k}\sum_{i=0}^{\infty}(2~l+1)~(S_l-1)~P_l~\cos\theta\]

3.2.2. Formule de la section efficace

On démontre que la section efficace totale a pour expression : \[\sigma_e~=~\frac{4\pi}{k^2}~\sum_{l=0}^{\infty}(2~l+1)\sin^2\delta_l\]

Chacun des termes de cette somme est une section efficace partielle \(\sigma_l\) pour la diffusion de particules de moment orbital donné \(l\).

La plus grande valeur possible de cette section étant : \[\sigma_{l,~max}~=~\frac{4\pi}{k^2}~(2~l+1)\]

Il peut être commode d’introduire des amplitudes de diffusion partielles \(f_l\) définies en tant que coefficients de la décomposition : \[f(\theta)~=~\sum_i(2~l+1)~f_l~P_l~\cos\theta\]

Elles sont liées aux phases \(\delta_l\) par : \[f(\theta)~=~\frac{1}{2i~k}~(S_l-1)~=~\frac{1}{2i~k}~\{\exp(2i~\delta_l-1)\}\]

les sections partielles étant alors : \[\sigma_l~=~4\pi~(2~l+1)~|f_l|^2\]

3.3. Formule générale de la diffusion

Par principe, les formules précédentes doivent s’appliquer à la diffusion dans n’importe quel champ \(U(r)\) tendant vers zéro à l’infini.

L’étude de ces formules se ramène à celle des propriétés des phases \(\delta_l\) qu’elles contiennent. Pour évaluer leur ordre de grandeur pour \(l\) grand, il faut revenir au cas quasi-classique.

La phase de la fonction d’onde est alors déterminée par l’intégrale : \[\int_{r_0}^r \sqrt{k^2-\frac{(l+1/2)^2}{r^2}-\frac{2~m~U(r)}{\hbar^2}}~dr~+~\frac{\pi}{4}\]

\(r>r_0\) est la région du mouvement classiquement admissible.

\(U(r)\) est relativement petit dans tout le domaine d’intégration.

La phase : \[\sqrt{k^2-\frac{(l+1/2)^2}{r^2}~dr}~+~\frac{\pi}{4}\]

est celle du mouvement libre (faisant \(r\rightarrow\infty\), on obtiendra \(\delta_l\)).

On obtient approximativement : \[\delta_l~=~-\int_{r_0}^{\infty}\frac{m~U(r)~dr}{\hbar^2~\sqrt{k^2-\cfrac{(l+1/2)^2}{r^2}}}\]

L’ordre de grandeur de cette intégrale, si elle converge, est égale à : \[\delta_l~\approx~\frac{m~U(r_0)~r_0}{k~\hbar^2}\quad;\quad r_0\approx 1/k\]

Tous calculs faits : \[f(\theta)~=~\frac{1}{2~i~k}~\sum_{l=0}^{\infty}(2~l+1)~P_l~\cos\theta~\exp(2~i\delta_l)\]

Par ailleurs, dans la différence (\(\delta_l-\delta_0\)) des expressions intégrales de \(\delta_l\), l’intégrale divergente \(U(r)\) disparaît et il reste une quantité finie.

Pour calculer l’amplitude de diffusion, on appliquera la formule : \[f(\theta)~=~\frac{1}{2~i~k}~\sum_{l=0}^{\infty}(2~l+1)~P_l~\cos\theta~\exp\{2~i~(\delta_l-\delta_0)\}\]

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