III. Transmission de vibrations d'un milieu à un autre

Les trois types d'onde : incidente, transmise et réfléchie. Les équations de passage et cas particuliers (en fonction des résistances acoustiques). État de vibration dans un milieu donné.

1. Introduction

Soient deux vibrations linéaires indéfinies (tels que tuyaux sonores ou barres rigides par exemple) se raccordant en une section \(S_0\) que nous désignerons sous le nom de section de passage et où nous placerons l’origine des abscisses.

Les masses spécifiques, sections et vitesses de propagation des ondes dans les deux milieux sont respectivement (\(\rho,~S,~c\)) et (\(\rho',~S',~c'\)).

Une onde se dirigeant vers la droite dans le milieu \(I\) va subir à la surface de séparation \(S_0\) une réflexion partielle. Une partie de la puissance transportée est réfléchie et se propage vers la gauche avec une vitesse \((-c)\) dans le milieu \(I\). Une autre est transmise et se propage vers la droite avec la vitesse \((c')\) dans le milieu \(II\).

Conditions de passage

Pour étudier cette réflexion, nous devons écrire les conditions de passage exprimant que certaines quantités physiques se conservent par continuité à la traversée de la surface de séparation des deux milieux.

Si les deux milieux sont solides et si l’on suppose que la surface \(S_0\) reste plane lors du mouvement (ce qui n’est vrai en toute rigueur que si les sections \(S\) et \(S'\) sont égales), les quantités qui se conservent sont la vitesse de la section de passage (du fait qu’il n’y a ni décohésion, ni disparition de la matière) et la force appliquée (de la gauche par exemple) sur cette section (sans quoi apparaîtrait une accélération infinie de cette section de masse infiniment petite).

Si l’un des milieux est fluide, au contraire, les quantités qui se conservent sont manifestement la surpression \(\delta p\) et le débit \(S~u\). Nous admettrons que le mouvement par ondes planes se conserve, ce qui n’est vrai en toute rigueur que si les sections \(S\) et \(S'\) sont égales. Si les sections sont différentes, on pourra admettre que le mouvement des ondes planes se retrouve dans chaque milieu, à une distance de la section de passage de l’ordre de grandeur du diamètre du tuyau (ou de la barre).

Les raisonnements que nous allons tenir seront valables si la surpression et la vitesse ne varient que de quantités très faibles en valeur relative, en un point quelconque de l’un des milieux, pendant le temps mis par l’onde à parcourir une distance égale à ce diamètre.

Cela revient à dire, dans le cas d’une excitation sinusoïdale, que le diamètre de chacun des tuyaux est très petit devant la longueur d’onde de la vibration qu’il transporte ; c’est ce que nous admettrons.

Nous pourrons, à fortiori, considérer les déplacements \(y\) comme très petits devant les diamètres et admettre que la section de passage contient constamment la tranche de fluide d’abscisse au repos \(x=0\).

Résistance acoustique

Dans l’établissement des équations de passage vont intervenir les résistances acoustiques des deux milieux supposés traversés par des ondes progressives (c’est-à-dire se propageant uniquement dans une direction).

Si l’un des milieux au moins est fluide, la résistance acoustique telle que nous l’avons définie (rapport surpression / débit) est précisément égale au rapport des deux quantités qui se conservent au passage d’un milieu à un autre.

Si les deux milieux sont solides, par contre, il sera préférable de définir la résistance acoustique par le rapport force/vitesse, puisque ce sont ces quantités qui se conservent au passage d’une barre à l’autre.

Notons d’ailleurs que si ces deux milieux ont la même section, les deux définitions sont équivalentes ; seul le facteur constant \(S_2\) s’introduit et disparaît dans les formules. Il n’en est plus de même si les sections \(S\) et \(S'\) sont différentes.

Nous examinerons uniquement le cas où l’un au moins des deux milieux est fluide. Les quantités qui se conservent au passage sont dès lors la surpression \(\delta p\) et le débit \(Su\).

2. Équations de passage

Le mouvement dans le milieu de gauche résulte de la superposition d’une onde incidente (1) se déplaçant vers la droite à la vitesse \(c\) : \[\text{Onde incidente (1) :}\qquad y_1=f_1(t-x/c)\]

et d’une onde réfléchie se déplaçant vers la gauche à la même vitesse, c’est-à-dire en se déplaçant à la vitesse \((-c)\) : \[\text{Onde réfléchie (2) :}\qquad y_2=f_2(t-x/c)\]

En chaque section du milieu \(I\), les déplacements, vitesses, débits et surpressions s’obtiennent par addition algébrique des quantités correspondantes relatives aux ondes (1) et (2), soit pour le débit et la surpression à l’instant \(t\) et pour la tranche d’abscisse \(x\) au repos, dans le milieu \(I\) :

\[\begin{aligned} S~u(t,~x)&=S~u_1(t-x/c)+S~u_2(t-x/c) \\ \delta p(t,~x)&=\delta p_1(t-x/c)+\delta p_2(t-x/c)\end{aligned}\]

Soit \(R\) la résistance acoustique (rapport surpression / débit) du milieu \(I\) pour une onde progressive se dirigeant vers la droite ; la résistance du même milieu pour une onde progressive se dirigeant vers la gauche est \((-R)\) et nous pouvons écrire la seconde équation sous la forme : \[\delta p(t,~x)=R~\{S~u_1(t-x/c)-S~u_2(t-x/c)\}\]

Dans le milieu \(II\) se propage l’onde transmise (3), onde progressive se propageant vers la droite à la vitesse \(c'\) : \[\text{Onde transmise (3) :}\qquad y_3=f_3(t-x/c')\]

à laquelle correspondent les débit et surpression :

\[\begin{aligned} S~u(t,~x)&=S'~u_3(t-x/c') \\ \delta p(t,~x)&=\delta p_3(t-x/c')=R'~S'~u_3(t-x/c')\end{aligned}\]

La section de passage \(S_0\) (pour \(x=0)\)) peut être considérée comme appartenant à l’un ou à l’autre des deux milieux. Égalant les deux expressions pour les surpressions et les débits, il vient, à un instant \(t\) quelconque et pour \(x=0\) :

\[\begin{aligned} S~u_1+S~u_2&=S'~u\\ R~(S~u_1-S~u_2)&=R'~S'~u_3\end{aligned}\]

On en tire immédiatement : \[S~u_1=\frac{R+R'}{2~R}~S'~u_3\quad;\quad S~u_2=\frac{R-R'}{2~R}~S'~u_3\]

Soit : \[\frac{S'~u_3}{S~u_1}=\frac{2~R}{R+R'}\quad;\quad \frac{S~u_2}{S~u_1}=\frac{u_2}{u_1}=\frac{R-R'}{R+R'}\]

En ce qui concerne les surpressions : \[\delta p_1=R~S~u_1\quad;\quad\delta p_2=-R~S~u_2\quad;\quad\delta p_3=R'~S'~u_3\]

Nous obtenons immédiatement : \[\frac{\delta p_3}{\delta p_1}=\frac{2~R'}{R+R'}\qquad;\qquad \frac{\delta p_2}{\delta p_1}=\frac{R'-R}{R+R'}\]

Passant aux puissances transportées (puissances instantanées) :

\[\begin{aligned} &\text{Onde incidente :} &&P_1=R~(S~u_1)^2\\ &\text{Onde réfléchie :} &&P_2=R~(S~u_2)^2\\ &\text{Onde transmise :} &&P_3=R'~(S~u_3)^2\end{aligned}\]

Nous obtenons :

\[\begin{aligned} &\frac{P_2}{P_1}=\frac{(R-R')^2}{(R+R')^2} &&\text{Facteur de réflexion}\\ &\frac{P_3}{P_1}=\frac{4~R~R'}{(R+R')^2} &&\text{Facteur de transmission}\end{aligned}\]

On vérifie immédiatement que la somme de ces deux facteurs est égale à l’unité.

3. Cas particuliers

3.1. Premier cas : \(R'=R\)

Quand les résistances acoustiques des deux milieux sont égales, la vibration est transmise en totalité et il n’y a pas d’onde réfléchie. C’est bien évident si les deux milieux sont identiques, mais il n’est pas nécessaire qu’ils soient identiques pour que leurs résistances acoustiques soient égales. Il suffit que l’on ait : \[\frac{\rho~c}{S}=\frac{\rho'~c'}{S'}\]

3.2. Deuxième cas : \(R'\gg R\)

Quand la résistance acoustique du milieu \(II\) aval est plus grande que celle du milieu \(I\), la réflexion est quasi totale et le débit à la section de passage est pratiquement nul. En effet, nous avons : \[\frac{u_2}{u_1}~\cong~-1\]

Par contre, la surpression à la section de passage est double de la surpression correspondant à l’onde incidente seule : \[\frac{\delta p_2}{\delta p_1}~\cong~1\]

C’est ce qui se passe quand on essaie d’exciter par un tuyau sonore plein d’air une barre d’acier de section comparable. La section de contact est un nœud de déplacement et un ventre de pression pour le tuyau. Ce n’est bien entendu que dans le milieu de gauche, situé du côté de l’excitation, que l’on peut parler de ventres et de nœuds, puisque deux ondes s’y trouvent superposées. Dans le milieu de droite se propage une simple onde progressive.

3.3. Troisième cas : \(R \gg R'\)

Quand la résistance acoustique du milieu \(I\) amont est plus grande que celle du milieu \(II\), la réflexion est alors quasi totale : la surpression à la section de passage est pratiquement nulle, c’est-à-dire que : \[\frac{\delta p_2}{\delta p_1}\cong -1\]

Par contre, le débit à la section de passage est sensiblement double de celui qui correspond à l’onde incidente seule : \[\frac{u_2}{u_1}~\cong~1\]

C’est ce qui se passe lorsqu’on essaie d’exciter un tuyau sonore plein d’air par une barre d’acier de section comparable. La section de contact est un ventre de déplacement et un nœud de pression pour la barre d’acier.

Dans les deux cas \(R\gg R'\) et \(R'\gg R\), la puissance transmise est pratiquement nulle.

Remarque importante

Les formules que nous avons obtenues ne sont valables que dans le cas où les sections \(S\) et \(S'\) des deux milieux sont toutes deux petites devant les longueurs d’onde des vibrations dans chacun des milieux.

Considérons le cas opposé où les sections \(S\) et \(S'\) seraient très grandes devant les longueurs d’onde. Tout se passe alors comme si la réflexion s’opérait à la surface de séparation de deux milieux indéfinis (réflexion par un dioptre plan).

Il suffit alors d’étudier la propagation des ondes planes à l’intérieur d’un cylindre de section unité coupant normalement la surface de séparation des deux milieux pour vérifier immédiatement que les formules doivent être modifiées en remplaçant les résistances acoustiques par des résistivités acoustiques. \[\frac{\delta p}{u}=R~S=\mathcal{R}=\rho~c\quad;\quad \frac{\delta p}{u}=R'~S'=\mathcal{R'}=\rho'~c'\\]

Il vient dès lors :

\[\begin{aligned} \frac{u_2}{u_1}&=\frac{\rho~c-\rho'~c'}{\rho~c+\rho'~c'}\quad;\quad \frac{u_3}{u_1}=\frac{2~\rho~c}{\rho~c+\rho'~c'}\\ \frac{\delta p_2}{\delta p_1}&=\frac{\rho'~c'-\rho~c}{\rho~c+\rho'~c'}\quad;\quad \frac{\delta p_3}{\delta p_1}=\frac{2~\rho'~c'}{\rho~c+\rho'~c'}\end{aligned}\]

Et le rapport des puissances transmises par unité de section, c’est-à-dire des intensités instantanées, s’écrit (loin des parois) :

\[\begin{aligned} &\frac{I_2}{I_1}=\frac{(\rho~c-\rho'~c')^2}{(\rho~c+\rho'~c')^2} &&\text{Facteur de réflexion}\\ &\frac{I_3}{I_1}=\frac{4~\rho~c~\rho'~c'}{(\rho~c+\rho'~c')^2} &&\text{Facteur de transmission}\end{aligned}\]

Au voisinage des parois interviennent les phénomènes de diffraction.

Par exemple, pour nous en tenir au cas où les deux milieux ont même résistivité, si un tuyau de diamètre \(D\) transporte des ultrasons de longueur d’onde bien inférieure à \(D\) et vient déboucher à l’air libre (c’est-à-dire dans un tuyau de diamètre \(D'\) infiniment grand devant \(D\)), les ultrasons se propagent dans l’air libre pratiquement en ligne droite (angle d’ouverture du faisceau de l’ordre de \(\lambda/D\)) et la vibration n’est donc transmise que dans le prolongement du tuyau.

Si l’on ferme le tuyau sonore sur un second tuyau de diamètre inférieur \(D'\), il y a réflexion totale sur tout le pourtour et transmission dans l’intérieur du deuxième tuyau.

Nous avons parlé de longueur d’onde, ce qui n’a évidemment de sens que pour une onde sinusoïdale. Pour une vibration quelconque qui peut toujours être décomposée en une infinité de composantes sinusoïdales, les conditions de passage seront donc différentes pour les composantes à basse fréquence et les composantes à haute fréquence.

La réflexion des ondes à l’extrémité d’un tuyau ouvert sur un milieu de même résistivité n’a lieu que pour les termes fondamentaux de longueur d’onde bien supérieure au diamètre du tuyau et n’a pas lieu pour les harmoniques élevés de longueur d’onde très petite devant ce diamètre. Ces harmoniques ne sauraient donc être renforcés par résonance (voir plus loin).

4. État de vibration dans un milieu

Les formules que nous avons obtenues représentent les rapports d’amplitude des ondes (1) (incidente), (2) (réfléchie) et (3) (transmise) au niveau de la section de passage. Il suffit pour obtenir l’état de vibration en tout point du milieu \(II\) (supposé indéfini vers la droite) de suivre la propagation de l’onde \(u_3\) à partir de l’abscisse \(0\) de la section de passage, vers la droite à la vitesse \(c'\).

On a donc en tout point du milieu \(II\) : \[u(x,~t)=u_3(t-x/c')\]

Il n’en est pas de même pour le milieu \(I\) (supposé indéfini vers la gauche). L’état vibratoire en tout point du milieu \(I\) résulte de la superposition des deux ondes (1) et (2) et il n’existe plus en général un rapport constant en tout point du milieu \(I\) entre la surpression et le débit. La vitesse et la surpression en tout point du milieu \(I\) sont en effet données par les relations :

\[\begin{aligned} u(x,~t)&=u_1(t-x/c)+u_2(t-x/c) \\ \delta p(x,~t)&=\delta p_1(t-x/c)+\delta p_2(t-x/c) \\ \text{avec :}\quad\frac{\delta p_1}{S~u_1}&=R\quad;\quad\frac{\delta p_2}{S~u_2}=-R\end{aligned}\]

On a donc en un point du tuyau \(I\) d’abscisse \(x\) au repos : \[\frac{\delta p}{S~u}(x,~t)=R~\frac{u_1(t-x/c)-u_2(t-x/c)}{u_1(t-x/c)+u_2(t-x/c)}\]

Le rapport surpression / débit dépend donc de la section considérée (sauf dans le cas exceptionnel où \(u_2=0\), c’est-à-dire où il n’y a pas de réflexion) et n’est plus une caractéristique du tuyau. Bien plus, le rapport \(\delta p/S~u\) en un point donné dépend du temps.

Nous étudierons de plus près dans le prochain article l’état de vibration d’un tuyau fermé dans le milieu \(I\), en nous plaçant dans le cas général d’un tuyau fermé à l’abscisse \(x =l\) sur une impédance quelconque.

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