IV. Réflexions des ondes sur une impédance terminale

État de vibration global, cas général et cas particuliers. Réflexion d'une onde sinusoïdale sur une impédance quelconque. Application : mode de vibration dans un tuyau.

1. Introduction

Nous avons considéré à l’article précédent la réflexion des ondes à la section de jonction de deux tuyaux. Or, disposer un second tuyau à l’extrémité du premier revient à imposer sur la section de passage une valeur déterminée au rapport surpression / débit, cette valeur étant égale à la résistance acoustique du tuyau \(II\) supposé indéfini vers la droite.

De façon plus générale, nous pouvons disposer à l’extrémité du tuyau \(I\) (abscisse \(x=l\) ) un appareil qui impose un rapport constant entre la surpression et le débit. Par exemple, on peut freiner le mouvement du fluide sans élasticité en cette abscisse au moyen d’un tampon de coton ou d’une juxtaposition de lamelles ou de petits cubes parallèles à la direction \(Ox\).

Nous allons étudier dans ces conditions l’état de vibration dans le tuyau, supposé pour le moment indéfini vers la gauche et transportant une onde incidente provenant d’une source d’excitation située infiniment loin des \(x\) négatifs.

2. État de vibration global

2.1. Calcul général

Vitesse en tout point du tuyau : \[u(x,~t)=u_1(t-x/c)+u_2(t-x/c)\]

Surpression : \[\delta p(x,~t)=\rho~c~\{u_1(t-x/c)+u_2(t-x/c)\}\]

Avec la condition Z : \[Z=\frac{\rho~c}{S}~\cfrac{u_1(t-l/c)-u_2(t-l/c)}{u_1(t-l/c)+u_2(t-l/c))}\]

Il vient : \[u_2(t-l/c)=u_1(t-l/c)~\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}\]

En une section quelconque \(x\) du tuyau se trouvent superposées les ondes \(u_1\) et \(u_2\), la seconde se propageant vers la gauche à la vitesse \(c\). On a dès lors : \[u_2(x,~t)=u_2\Big(l,~t-\frac{l-x}{c}\Big)=\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~u_1\Big(l,~t-\frac{l-x}{c}\Big)\]

Soit : \[u_2(x,~t)=\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\]

État de vibration en tout point du tuyau :

\[\begin{aligned} &u(x,~t)=u_1(t-x/c)~\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\\ &\delta p(x,~t)=\rho~c~\Big\{u_1(t-x/c)-\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\Big\}\end{aligned}\]

2.2. Cas particuliers

a) \(Z=0\) : tuyau ouvert en x=l

\[\begin{aligned} &u(x,~t)=u_1(t-x/c)+u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\\ &\delta p(x,~t)=\rho~c~\Big\{u_1(t-x/c)+u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\Big\}\end{aligned}\]

On voit que : \[x=l\quad\Rightarrow\quad u=2~u_1~~~\text{et}~~~\delta p=0\]

Il y a donc ventre de vitesse et nœud de pression.

b) \(Z=\infty\) : tuyau fermé en \(x=l\)

\[\begin{aligned} &u(x,~t)=u_1(t-x/c)+u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\\ &\delta p(x,~t)=\rho~c~\Big\{u_1(t-x/c)+u_1\Big(t-\frac{2~l-x}{c}\Big)\Big\}\end{aligned}\]

On voit que : \[x=l\quad\Rightarrow\quad u=0~~~\text{et}~~~\delta p=2~\delta p_1\]

Il y a donc nœud de vitesse et ventre de pression.

c) \(Z=\rho~c/S\) : impédance itérative

\[\begin{aligned} &u(x,~t)=u_1(t-x/c)\\ &\delta p(x,~t)=\rho~c~u_1(t-x/c)\end{aligned}\]

Il n’y a pas de réflexion sur l’impédance \(Z\). On a ainsi un moyen d’étudier des ondes progressives dans un tuyau limité : il suffit de le fermer sur une résistance visqueuse égale à son impédance itérative, c’est-à-dire à sa résistance acoustique.

Dans le cas général, le tuyau pourra être fermé sur une impédance quelconque, comportant notamment une capacité ou une inertie acoustique ; les équations que nous avons écrites sont toujours valables, à condition que l’impédance \(Z\) ait une valeur définie. Or, \(Z\) va être en général fonction de la fréquence (il n’y a exception que si \(Z\) se réduit à une résistance visqueuse, ou si \(Z\) est nulle ou infinie pour toutes les fréquences).

Nous sommes donc conduits à étudier la réflexion sur une impédance terminale quelconque d’ondes sinusoïdales pures. Dans le cas d’une oscillation de forme quelconque, nous pouvons nous ramener à ce cas en considérant séparément les diverses composantes sinusoïdales du mouvement, mais les conditions de réflexion varieront d’une composante à l’autre et l’onde se trouvera déformée par la réflexion.

3. Réflexion d’une onde sinusoïdale sur Z quelconque

L’onde incidente est de la forme (en notation complexe) : \[u_1(x,~t)=A~\exp\big[j~\omega(t-x/c)\big]\]

Une impédance \(Z\) est placée en \(x=l\). La réflexion sur cette impédance fait apparaître une onde de retour : \[u_2(x,~t)=\frac{1-Z~S/~\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~A\exp\big[j~\omega~(t-x/c)\big]\]

Soit au total un état de vibration en tout point défini par :

\[\begin{aligned} u(x,~t)&=A~\exp\big[j~\omega(t-l/c)]~\Big\{\exp\Big(j\omega\frac{l-x}{c}\Big)-\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~A~\exp\Big(-j~\omega~\frac{l-x}{c}\Big)\Big\}\\ \delta p(x,~t)&=\rho~c~A~\exp\big[j~\omega(t-l/c)\big]~\Big\{\exp\Big(j~\omega~\frac{l-x}{c})-\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}~A~\exp\Big(-j~\omega~\frac{l-x}{c}\Big)\Big\}\end{aligned}\]

Nous désignerons sous le nom d’impédance ramenée en \(x\) le rapport surpression débit en un point d’abscisse \(x\). Ce rapport est complexe en général, ce qui signifie qu’un certain déphasage existe entre les oscillations de \(\delta p\) et \(u\).

L’impédance ramenée en \(x\) est : \[S_x=\Big(\frac{\delta p}{S~u}\Big)_x=\frac{\rho~c}{S}~\Phi\]

avec : \[\Phi=\frac{(1+Z~S/\rho~c)~\exp\Big(j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)-(1+Z~S/\rho~c)~\exp\Big(-j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)}{(1+Z~S/\rho~c)~\exp\Big(j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)+(1+Z~S/\rho~c)~\exp\Big(-j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)}\]

Faisant apparaître la quantité : \[\frac{\exp\Big(j~\omega\cfrac{l-x}{c}\Big)-\exp\Big(-j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)}{\exp\Big(j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)+\exp\Big(-j~\omega~\cfrac{l-x}{c}\Big)}~=~j~\tan\Big(\omega~\frac{1-x}{c}\Big)\]

Il vient : \[Z_x=\Big(\frac{\delta p}{S~u}\Big)_x=\frac{\rho~c}{S}~\frac{j~\tan\Big(\omega~\cfrac{1-x}{c}\Big)+\cfrac{Z~S}{\rho~c}}{1+j~\cfrac{Z~S}{\rho~c}\tan\Big(\omega~\cfrac{1-x}{c}\Big)}\]

Il existe donc un rapport indépendant du temps entre la surpression et le débit, bien que le tuyau ne soit pas le siège d’une simple onde progressive ; ce rapport est toutefois complexe (déphasage entre \(\delta p\) et \(u\)) et, en outre, varie d’une section à l’autre du tuyau.

Remarques

Si \(Z\) est nulle, infinie ou imaginaire pure, l’impédance \(Z_x\) ramenée en tout point du tuyau est imaginaire pure ; cela signifie notamment que la puissance transmise par une section quelconque du tuyau a une valeur moyenne nulle (différence de phase de \(\pi/2\) entre la surpression et le débit). Aucune énergie n’est alors transmise le long du tuyau qui est le siège d’une onde stationnaire sinusoïdale.

L’état du mouvement dans le tuyau peut alors se mettre sous forme particulière. La loi de variation \(u(x,~t)\) par exemple est représentable par le produit d’une fonction d’espace \(u(x)\) par une fonction sinusoïdale du temps. On peut, en effet, si \(Z\) est imaginaire, nulle ou infinie, mettre la quantité \(\cfrac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}\) sous la forme d’un nombre complexe de module unité, soit \(e^{j\alpha}\).

Nous reportant à l’expression de \(u(x,~t)\), nous pourrons écrire, en mettant en facteur \(e^{j~\alpha/2}\) : \[u(x,~t)=A~\exp\big[j~\omega(t-l/c)+\alpha/2\big]~\Big\{\exp\Big(j~\omega~\frac{l-x}{c}-\frac{\alpha}{2}\Big)+\exp\Big(j~\omega~\frac{l-x}{c}+\frac{\alpha}{2}\Big)\Big\}\]

Soit : \[u(x,~t)=a~\cos\Big(\omega~\frac{l-x}{c}-\frac{\alpha}{2}\Big)~\exp(j~\omega~t)\]

avec : \[a=2~A~\exp(j~\alpha/2)~\exp(-j~\omega~l/c)\]

L’amplitude varie de manière sinusoïdale le long du tuyau dont toutes les sections vibrent en phase, avec bien entendu des amplitudes tantôt positives, tantôt négatives ; si on désigne par amplitude le module de l’amplitude, les sections vibrent en phase ou en opposition de phase.

S’il existe des abscisses pour lesquelles \(Z_x\) devient infinie, ces abscisses vont correspondre à des nœuds de vitesse (amplitude de \(u\) et amplitude de \(\delta p\) différente de zéro). Or, \(Z_x\) ne peut devenir infinie que si \(Z\) est nulle ou infinie ou si son dénominateur s’annule, et ce dernier ne peut s’annuler que si \(Z\) est imaginaire pure.

Dans ces trois cas, les nœuds de vitesse se trouveront aux sections d’abscisse \(x\) telle que : \[\tan\Big(\omega~\frac{l-x}{c}\Big)=\Big|\frac{\rho~c}{Z~S}\Big|\]

On peut aisément comprendre pourquoi l’existence de nœuds de vitesse exige que \(Z\) soit imaginaire pure, nulle ou infinie : la présence d’un nœud exige en effet que l’amplitude de l’onde de retour soit égale à celle de l’onde incidente qu’elle doit annuler par interférence, donc que le facteur de réflexion soit égal à l’unité.

Cela n’est vrai que si \(Z\) est nulle ou infinie, auquel cas : \[\frac{1-Z~S/\rho~c}{1+Z~S/\rho~c}=\pm 1\]

ou si \(Z\) est imaginaire pure, auquel cas ce rapport est égal au rapport de deux nombres complexes conjugués et a donc pour module l’unité.

Si \(Z\) est réelle et différente de zéro ou de l’infini, \(Z_x\) est complexe et ne s’annule nulle part ; le tuyau est le siège d’une oscillation que l’on peut considérer comme la superposition d’une onde stationnaire et d’une onde progressive.

Enfin, si \(Z\) est égale à l’impédance itérative, \(Z=\rho~c/S\) en tout point du tuyau qui ne contient plus que l’onde incidente, la réflexion étant nulle sur l’impédance itérative.

4. Application : mode de vibration dans un tuyau

Cherchons les modes de vibration sinusoïdaux d’un tuyau sonore s’étendant de l’abscisse \(x=0\) à l’abscisse \(x=l\).

Le tuyau est ouvert à l’air libre à l’abscisse \(x=l\), ce qui revient à dire qu’il est fermé par une impédance \(Z=0\). L’impédance en tout point est dès lors : \[Z_x=j~\frac{\rho~c}{S}~\tan\omega~\frac{l-x}{c}\]

soit une impédance ramenée en \(0\) (origine du tuyau) que nous pouvons désigner sous le nom d’impédance d’entrée du tuyau : \[Z_0=j~\frac{\rho~c}{S}~\tan\frac{\omega~l}{c}\]

4.1. Premier cas

Le tuyau est fermé en \(x=0\). Les seules vibrations dont le tuyau peut être le siège de vibrations de pulsation \(\omega\) telle que \(Z_0\) soit infinie, soit : \[\tan\frac{\omega~l}{c}=\infty\quad\Rightarrow\quad\frac{\omega~l}{c}=(2~k+1)~\frac{\pi}{2}\]

Si \(\lambda\) désigne la longueur d’onde (pulsation ) dans le fluide (\(\lambda=c~T=2~\pi~c/\omega\)), on voit que les vibrations stationnaires sinusoïdales dont le tuyau peut être le siège sont nécessairement de longueur d’onde telle que : \[l=(2~k+1)~\frac{\pi~c}{2~\omega}=(2~k+1)~\frac{\lambda}{4}\]

On dit que le tuyau vibre suivant le mode fondamental en quart d’onde ou sur les harmoniques impairs de ce mode fondamental.

4.2. Deuxième cas

Le tuyau est ouvert aux deux bouts. Il faut alors \(Z_0=0\), soit \(\omega~l/c=k~\pi\), ou encore \(l=k~\lambda/2\).

Remarque

Les modes d’oscillation sinusoïdaux peuvent, bien entendu, être trouvés par des considérations très simples, sans faire intervenir les formules donnant l’impédance ramenée en tout point.

Soit par exemple un tuyau ouvert en \(x=0\). Le mouvement sinusoïdal le plus général de pulsation dans le tuyau est de la forme (avec un choix convenable de l’origine des temps) :

\[\begin{aligned} u(x,~t)&=a~\cos\omega~(tx/c)+b~\cos\{\omega(t+x/c)+\varphi\}\\ \delta p(x,~t)&=\rho~c~a~\cos\omega~(t-x/c)-\rho~c~b~\cos\{\omega~(t+x/c)+\varphi\}\end{aligned}\]

L’ouverture en \(x=0\) exige \(\delta p(0,~t)=0\), quel que soit \(t\), soit : \(\varphi=0\) et \(b=a\).

On a donc :

\[\begin{aligned} u(x,~t)&=a~\{\cos\omega~(t-x/c)+\cos\omega~(t+x/c)\}\\ \delta p(x,~t)&=\rho~c~a~\{\cos\omega(t-x/c)-\cos\omega(t+x/c)\}\end{aligned}\]

Cette loi de mouvement qui peut s’écrire :

\[\begin{aligned} u(x,~t)&=2~a~\cos\frac{\omega~x}{c}~\cos\omega~t\\ \delta p(x,~t)&=2~\rho~c~a~\sin\frac{\omega~x}{c}~\sin\omega~t\end{aligned}\]

est imposée par la seule présence de l’ouverture en \(x=0\).

Nous remarquons que la vitesse varie en tout point en quadrature avec la surpression (puissance transmise nulle) et que les lois de variation le long du tuyau des amplitudes de la vitesse (ou du déplacement) et de la surpression sont sinusoïdales, les nœuds de vitesse correspondant aux ventres de pression et inversement.

La nouvelle condition imposée par l’ouverture ou la fermeture du tuyau en \(x=l\) va entraîner une sélection des pulsations \(\omega\) acceptables :

a) Si le tuyau est fermé en \(x=l\), il faut \(u(l,~t)=0\) quel que soit \(t\), soit \(\cos\cfrac{\omega~l}{c}=0\), donc : \[l=(2~k+1)~\frac{\pi~c}{2~\omega}=(2~k+1)~\frac{\lambda}{4}\]

b) Si le tuyau est ouvert en \(x=l\), il faut \(\delta p(l,~t)=0\) quel que soit \(t\), soit \(\sin\cfrac{\omega~l}{c}=0\), donc : \[l=k~\frac{\lambda}{2}\]

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