IV. Notions de compatibilité électromagnétique (CEM)

Classification des perturbations. Modes de couplages (galvanique, inductif, capacitif, rayonnant, etc.). Ordres de grandeur. CEM et télécommunications.

1. Classification des perturbations

Une perturbation électromagnétique comporte deux composantes :
– Une émission source (volontaire ou non) de la perturbation ;
– Une réception victime ou effet ressenti au voisinage relativement proche, à travers un milieu de couplage plus ou moins favorable à cette perturbation.

Les sources de perturbation peuvent être d’origine naturelle : foudre, décharges électrostatiques, bruit atmosphérique, etc. Elle peuvent être aussi créées artificiellement, de manière intentionnelle ou non : brouillage électromagnétique. Ces dernières sont les plus nombreuses, engendrées par des courants appelés courants forts ou par d’autres courants appelés courants faibles.

Origine des courants forts : courts-circuits ou décharges dans les lignes de transport, moteurs, relais, contacts, tubes fluorescents, allumage des véhicules, rayonnement des arcs électriques.

Origine des courants faibles : émetteurs (autorisés ou non), oscillateurs locaux des récepteurs super-hétérodyne, ordinateurs, des appareils HT industriels, médicaux, scientifiques...

La victime est un équipement sensible aux perturbations : récepteurs de communication, récepteurs radar, appareils de radionavigation, de télémesure, détecteurs, capteurs, amplificateurs..., sans oublier les éléments non électroniques comme les êtres vivants (danger biologique), les matériaux inflammables, les munitions, les carburants...

2. Modes de couplages. Principes anti-perturbations

On rencontre plusieurs types de mécanismes de couplage (milieu de transmission), entre source et victime : galvanique, inductif, capacitif, rayonnant, etc.

Les perturbations électriques s’interprètent comme l’action d’un champ électromagnétique produit par la source. Leurs effets sont fonction de la longueur d’onde de ce champ qui présente deux caractéristiques différentes suivant la distance à l’objet atteint :
– le champ de proximité, prépondérant au voisinage de la source ;
– le champ de rayonnement, prépondérant aux distances supérieures à quelques longueurs d’onde de la source.

2.1. Caractéristiques des champs \(E\) et \(H\)

Champ de rayonnement

Le champ de rayonnement est caractérisé par une impédance d’onde constante du milieu entre l’intensité du champ électrique \(E\) et celle du champ magnétique \(H\) : \[\left|\frac{E}{H}\right|~=~Z \quad ; \quad Z_0~=~120~\pi~=~377~\Omega \quad \text{dans le vide ou dans l'air}\]

Ce champ est décroissant, inversement proportionnel à la distance à la source, en \((1/d)\) .

Champ de proximité

Le champ de proximité dépend du type de source de rayonnement (dipôle électrique, dipôle magnétique ou combinaison des deux). Sa loi de décroissance en fonction de la distance de la source est en \((1/d^2)\) ou \((1/d^3\), plus rapide que le champ de rayonnement. Le rapport entre les composantes électriques et magnétiques n’est plus constant.

2.2. Modes de couplage

On distingue deux situations suivant les types de couplages :
– lors d’un couplage inductif, le champ magnétique est prépondérant.
– lors d’un couplage capacitif, le champ électrique est prépondérant.

En présence de matériaux à conductivité élevée, des courants de conduction peuvent être à l’origine d’un couplage appelé galvanique que l’on considèrera comme un cas à part.

Le rapport [longueur d’onde] / [longueur physique des circuits] a une grande influence : aux fréquences élevées, les dimensions physiques des circuits peuvent être comparables à la longueur d’onde. Ce rapport a donc une incidence sur les caractéristiques électroniques, le circuit se comportant comme un circuit à constantes localisées ou comme un circuit à constantes réparties.

Sur un système électronique (ou électrique), le couplage produit l’apparition de signaux parasites sur ses conducteurs, en particulier sur les conducteurs d’entrée, les plus sensibles aux effets perturbateurs.

En mode commun, les signaux perturbateurs sont en phase de même amplitude sur tous les conducteurs, par rapport à la masse ou au blindage. Ce type de couplage est appelé aussi mode non symétrique, non équilibré ou longitudinal.

En mode différentiel, le couplage se produit entre deux conducteurs (ou deux ensembles de conducteurs) isolés de la masse. Le signal perturbateur pénètre dans le système perturbé par la même voie que le signal utile. Ce type de couplage est aussi appelé mode symétrique, équilibré ou transversal.

En raison de la diversité des types de couplage, il est pratiquement impossible de trouver une solution universelle à ce problème. Chaque type de perturbation peut être éliminé, ou du moins réduit, par l’application de mesures spécifiques.

2.2.1. Couplage galvanique

Le couplage galvanique se produit le plus souvent par l’intermédiaire d’une impédance parcourue en même temps par le courant perturbateur et le courant utile. Un bon découplage galvanique impose l’utilisation de deux conducteurs séparés (aller-retour) pour chaque récepteur, connectés en étoile, à un point de masse unique.

2.2.2. Couplage inductif

Le couplage inductif se produit dans la zone de champ de proximité. Il est important lorsque les courants sont forts, plus précisément lorsque il y a de fortes variations \({\partial i}/{\partial t}\) dans l’intensité de ces courants perturbateurs.

Une solution couramment utilisée consiste à torsader les paires de fils susceptibles d’être perturbés par induction : les tensions induites ainsi que les champs perturbateurs ont tendance à s’annihiler. Les perturbations inductives peuvent également être sensiblement diminuées en utilisant un effet d’écran aussi bien vers le perturbateur que vers la victime. Ces écrans doivent avoir des propriétés ferromagnétiques.

2.2.3. Couplage capacitif

Le couplage capacitif se produit aussi dans la zone de proximité. Il ne dépend pas de l’intensité des courants, mais peut devenir très important quand les tensions perturbatrices sont élevées. Comme l’impédance d’une capacité parasite est inversement proportionnelle à la fréquence, les effets perturbateurs capacitifs ont tendance à augmenter aux fréquences élevées.

Les mêmes précautions que dans le cas du couplage galvanique doivent être prises : paires séparées de fils pour chaque récepteur, utilisation des conducteurs torsadés, etc. On peut aussi utiliser des écrans conducteurs interposés entre la source perturbatrice et le circuit sensible.

Un tel écran électrostatique permet de réduire la capacité existante et la connexion d’un des terminaux à un potentiel de référence. L’écran doit être connecté au potentiel de référence par un seul point de connexion, de façon à éviter l’apparition de courants perturbateurs dans l’écran.

2.2.4. Couplage par rayonnement

Le couplage par rayonnement se produit quand la distance entre la source de perturbation et la victime est supérieure à la longueur d’onde. Il existe également des cas de perturbations internes, entre blocs composants d’un même système ou dispositif électrique ou électronique, surtout aux hautes fréquences quand la longueur d’onde devient très courte. Les champs de rayonnement sont alors affaiblis par la présence d’écrans. L’effet d’écran est double : affaiblissement du champ soit par réflexion, soit par absorption (déterminé par les pertes d’énergie dans le matériau).

2.2.5. Cas du réseau électrique d’alimentation

Les perturbations provenant du réseau électrique d’alimentation sont parmi les plus importantes ; elles sont très fréquentes et très variées  : coupures courtes de tension, variations lentes du niveau de tension, impulsions singulières (dues aux transitions), impulsions oscillantes, salves d’impulsions, harmoniques, perturbations et interférences haute fréquence, signaux transmis par le réseau...

Au niveau de l’utilisateur la protection est réalisée à l’aide des filtres entre le réseau d’alimentation et le dispositif protégé. Ces filtres ont une double action : ils empêchent (par absorption ou par réflexion) la pénétration des signaux perturbateurs en provenance du réseau et bloquent les signaux en provenance du dispositif, qui risqueraient d’être envoyés dans le réseau, devenant ainsi d’éventuelles sources perturbatrices pour d’autres récepteurs.

3. Quelques ordres de grandeur

Considérons la perturbation (onde électromagnétique), l’expérience montre :

– À proximité d’un courant BF, le champ magnétique est prépondérant jusqu’à une distance de l’ordre de \(\lambda/2{\pi}\) (1000 km pour une fréquence de 50 Hz).

– À proximité d’une source à haute impédance et HF, c’est le champ électrique qui prédomine. C’est le cas par exemple des surtensions de manœuvre des réseaux électriques.

– Au-delà de \(\lambda/2{\pi}\) , pour des sources de dimensions faibles devant \(\lambda\) le rapport est constant ; c’est l’impédance d’onde qui a pour valeur dans l’air : \[Z_c=\sqrt{\frac{\pi}{\epsilon}}\]

Le tableau ci-dessous donne des exemples d’émetteurs de perturbations avec leur fréquence en valeur moyenne et les champs qu’ils peuvent rayonner compte tenu de leur puissance respective :

\[\begin{aligned} &\text{Émetteur}& &\text{Fréquence}& &\text{Longueur}& &\text{Champ}& &\text{Distance}\\ \hline &Secteur (mono)& &50~Hz& &6000~km& &20~A/m& &10~m\\ &Foudre& &30~kHz& &10~km& &10~A/m& &500~m\\ & & &3~MHz& &100~m& &3~kV/m& &500~m\\ &Radio~GO& &200~kHz& &1500~m& &30~V/m& &500~m\\ &FM& &100~MHz& &3~m& &1~V/m& &500~m\\ &TV~UHF& &600~MHz& &50~cm& &0,5~V/m& &500~m\\ &Talkie~walkie& &450~MHz& &66~cm& &10~V/m\\ &Tel~mobile& &900~MHz& &33~cm& &20~V/m& &1~m\\ &Four~sechage& &27~MHz& &11~m& &1,5~V/m& &1~m\\ &Radar& &1~GHz& &30~cm& &40~V/m& &500~m\\ &Four~Micro& &2,45~Ghz& &12~cm& &1,5~V/m& &1~m\end{aligned}\]

La figure ci-contre représente la variation du champ électrique en fonction de la distance pour un dipôle rayonnant une puissance de 2 mW. Il s’agit du champ crête produit par un terminal GSM à faible distance du terminal (entre 2 cm et 1 m).

On voit que des champs très supérieurs à 3 V/m sont obtenus à faible distance (hypothèse de l’onde plane, portion droite) et qu’un calcul plus précis du rayonnement (dipôle) donne la portion courbe.

4. CEM et télécommunications

Le domaine des télécommunications est certainement l’un des plus exposés à l’action des perturbations électromagnétiques.

4.1. Perturbations dues aux émetteurs radioélectriques

Les émetteurs radioélectriques sont des sources de bruit intentionnelles. Depuis le jouet (puissances de l’ordre du milliwatt) au radar (puissances en impulsion de l’ordre du mégawatt). Les fréquences d’émissions sont de quelques dizaines de kilohetz aux dizaines de gigahetz et même au-delà. En règle générale, l’intensité du champ perturbateur diminue avec la distance.

Les émetteurs peuvent perturber d’autres émetteurs, des circuits électroniques sensibles aux perturbations radioélectriques et en particulier, les récepteurs radioélectriques. Il s’agit de radiations hors bande non intentionnelles.

4.2. Perturbations normales des récepteurs

Des perturbations normales des récepteurs se produisent quand les fréquences de travail entre deux émetteurs sont trop rapprochées, le signal perturbateur se trouvant alors dans la bande passante du récepteur perturbé.

La plupart des récepteurs étant à changement de fréquence (superhétérodyne), le même genre de perturbation peut se produire lorsque la fréquence de la source coïncide avec l’une des fréquences particulières : fréquence intermédiaire ou fréquence image du récepteur.

Signaux perturbateurs :

\[\begin{aligned} &f_p \approx f_s~:\qquad\qquad\ \ \text{perturbation en bande}\\ &f_p = f_i~:\qquad\qquad\ \ \text{fréquence intermédiaire}\\ &f_p = f_s+~2f_i:\qquad\text{fréquence image}\end{aligned}\]

4.3. Perturbations anormales des récepteurs

Des perturbations anormales des récepteurs se produisent parfois dans des conditions exceptionnelles de propagation, une émission éloignée pouvant être reçue par un récepteur accordé sur la même fréquence.

Un équipement peut aussi être sensible au champ élevé d’un émetteur trop puissant ou trop proche. De l’autre côté, tout équipement électrique ou électronique peut être une source non intentionnelle de rayonnement. Pour mention des principaux :

Appareils industriels, scientifiques et médicaux (ISM) : Ces équipements travaillent à des fréquences radio capables de perturber les télécommunications: fours à induction, arcs électriques, transport électrique...

Appareils de traitement de l’information : Le champ perturbateur crée par un terminal informatique représente aussi une perturbation importante. Les oscillateurs à quartz utilisés dans les PC produisent des signaux rectangulaires à des fréquences de l’ordre de 100 MHz, avec des harmoniques beaucoup plus élevés (pouvant aller jusqu’au GHz). La figure ci-contre représente le Spectre parasite rayonné à 1 m de distance par un Pentium incomplètement blindé entre 20 et 200 MHz.

Alimentations à découpage : La commutation se produit à front raide de courants et de tensions élevés. Les fréquences de découpage est en général basses (de l’ordre du kilohertz), mais leur valeur peut atteindre le mégahertz : le spectre, riche en harmoniques, s’étend au domaine des fréquences hautes.

Systèmes d’allumage des véhicules à moteur à explosion : L’effet subsiste malgré l’antiparasitage effectué par les constructeurs automobile.

Lignes et autres dispositifs électriques ou électroniques : Il s’agit des ensembles utilisant la haute tension. Ils rayonnent un champ électromagnétique à large bande de fréquence, jusqu’à quelques mégahertz. Un type de rayonnement similaire est produit par les écrans cathodiques et d’autres dispositifs.

4.4. Principaux effets dans les équipements

L’action des signaux perturbateurs, conjuguée avec certaines particularités des équipements électroniques de télécommunications - surtout des étages de radiofréquence des récepteurs - peut conduire à l’apparition des différents effets spécifiques :

Intermodulation : C’est ce qui se produit lorsque deux signaux de fréquences différentes [\(f_1,f_2\)] arrivent sur un élément non-linéaire. Une ou plusieurs combinaisons [\(m~f_1 \pm n~f_2\)] peuvent se trouver dans la bande passante du récepteur, perturbant ainsi la réception du signal utile.

Modulation croisée : Elle est représentée par le transfert, la superposition de la modulation d’un signal perturbateur sur la porteuse du signal utile. Ce phénomène peut se produire en présence d’une non-linéarité et d’un signal perturbateur fort, à n’importe quelle valeur de la fréquence perturbatrice.

Destruction d’éléments sensibles : Les transistors à effet de champ, diodes de micro-ondes, etc. peuvent ne pas résister à l’apparition de perturbations extrêmement fortes.

Remarque d’ordre général

Le couplage d’une onde électromagnétique à un câble dépend de la longueur d’onde des phénomènes électromagnétiques (donc de la fréquence) et des longueurs relatives des câbles par rapport à la longueur d’onde en cause.

Aux fréquences inférieures à 10  MHz (longueur d’onde > 30 m), les couplages se produisent généralement par les câbles de longueur non négligeable devant la longueur d’onde (lignes téléphoniques, câbles secteur ou d’alimentation, câbles de raccordement etc.). Le champ électromagnétique induit des courants de mode commun sur les câbles et des tensions de mode commun se développent à l’entrée des équipement électroniques raccordés.

Aux fréquences situées entre 10 MHz et 100 MHz, il y a souvent un effet conjugué de courant perturbateur conduit par les lignes et du champ direct sur les équipements (couplage au câblage interne des appareils).

À partir de 100 MHz environ, les signaux de haute fréquence sont atténués le long des lignes. C’est seulement l’effet direct du champ sur le câblage interne de équipement ou la dernière portion de câblage externe qui peuvent provoquer les perturbations.

Aux fréquences supérieures à 1 GHz, c’est généralement l’effet direct de l’onde électromagnétique sur les composants électroniques actifs qui perturbe le fonctionnement du système entier.

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