1. Entrée en matière
Il y a encore quelques années, les moyens d’information et de communication étaient essentiellement les journaux, la radio et la télévision. L’ordinateur et l’internet ont aujourd’hui bouleversé cette situation. Quand on parle de TIC (technologies de l’information et de la communication), il faut entendre un mariage à quatre : informatique, électronique, télécommunications et audiovisuel.
Jean-Michel Cornu (Fondation Internet Nouvelle Génération) écrivait en 2008 :
« Cette année a marqué un cap sur le réseau : les objets communicants (ordinateur, bornes, consoles...) y sont désormais aussi nombreux que les utilisateurs humains. »
Un peu plus tard, à l’occasion d’une interview télévisée, le député européen Daniel Cohn Bendit lançait cette boutade :
« Si tous les utilisateurs de microordinateurs décidaient d’éteindre leurs appareils au lieu de les maintenir en veille, en stand-by comme on dit, on pourrait faire l’économie d’une centrale nucléaire. »
Et tout ceci a évidemment un coût, souvent insoupçonnable, qui s’appelle Énergie, une denrée qui se consomme et qu’il serait dommage de voir se consumer.
Chaque usager est l’un des maillons d’une chaîne de consommation d’énergie. Conscient ou non, à son niveau, il risque de contribuer, à un degré plus ou moins important, à l’aggravation du processus. L’effet usage, appelé encore effet comportemental, est devenu un paramètre incontournable du cahier des charges de lancement d’un projet lié à une production et une consommation d’énergie.
Le mot éco-conception fait à présent partie du vocabulaire énergétique.
Un contexte particulier
Le contenu de cet article est constitué d’extraits du texte de ma conférence TIC et Développement durable donnée à l’université de Mostaganem (Algérie) le 2 juin 2009.
La première partie s’appuie sur le rapport REMODECE ou Residential Monitoring to Decrease Energy Use and Carbon Emissions in Europe. Ce projet (ADEME - EDF - CE), initié début 2006, avait pour objectif de disposer de données sur les consommations des équipements domestiques et leur mode d’utilisation afin de proposer des stratégies d’action visant à réduire leur impact énergétique et environnemental.
La deuxième partie, spécifique aux télécommunications, s’appuie sur quelques résultats publiés dans le mémoire de thèse de doctorat sur l’énergie et les TIC, citée en référence, thèse soutenue en 2008. Les chiffres communiqués ici, pas vraiment trop anciens pour être ignorés, ont à présent évolué dans le bon sens, grâce aux progrès technologiques et une certaine discipline comportementale.
Il sont communiqués dans un contexte pédagogique, pour bien situer les problèmes toujours présents. On trouvera en fin de chapitre une courte liste de quelques sites qui permettront de rechercher des chiffres plus significatifs de la réalité.
2. Une idée sur la consommation énergétique des téléviseurs
Le rapport précité notait un phénomène curieux à l’égard de la performance énergétique.
Les consommations des TV de nouvelles générations (LCD et écrans plasma) étaient très supérieures aux écrans plats cathodiques.
Respectivement 1,6 fois (228 kW/an) et 3,5 fois (502 kWh/an) plus que les téléviseurs à tube cathodique (144 kWh/an).
Quelles explications possibles à cette augmentation ? Les puissances appelées par les différentes technologies ? Les durées d’utilisation ?
Le graphe ci-contre donne les allures de quatre types de téléviseurs différents au cours d’une journée (le rétroprojecteur a été intégré dans la statistique). On observe des différences de puissance importantes en moyennes :
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Téléviseur CRT : 60 W
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Téléviseur LCD : 97 W
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Téléviseur plasma : 217 W
On remarquera que la puissance des téléviseurs plasma varie beaucoup au cours du temps. Des variations qui pourraient s’expliquer par la qualité de l’image.
Puissances moyennes rapportées à l’unité de surface :
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Tube cathodique : 0,039 W/cm²
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LCD : 0,0453 W/cm²
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Plasma : 0,0534 W/cm²
Puissances moyennes de veille :
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CRT : 3,12 W
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LCD : 1,82 W
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Plasma : 1,6 W
3. Une idée sur la consommation énergétique en informatique
Un histogramme révélateur !
La courbe de répartition de la consommation dans la journée (en bleu, les ordinateurs principaux et en rouge les ordinateurs secondaires).
Les ordinateurs qui ne sont pas utilisés sont généralement laissés en fonctionnement et consomment inutilement (phénomène déjà observé en bureautique professionnelle).
Au milieu de la nuit, des ordinateurs principaux consomment en moyenne près de 18 W. Environ 20 % des ordinateurs sont en marche alors que tous devraient être arrêtés.
En cours de journée la situation doit empirer, car de nombreuses machines sont mises en route à partir de 7 heures du matin. En cours de journée elles ne sont probablement pas utilisées, et pas pour autant arrêtées.
Ce phénomène semble moins affecter les ordinateurs secondaires : étant moins fréquemment utilisés, ils sont plus fréquemment arrêtés sur de longues périodes.
4. La question énergétique dans les télécommunications
Il s’agit d’une question extrêmement importante sur le plan économique, en y intégrant les évolutions technologiques. Elle requiert une sérieuse action R & D.
Globalement, les principaux services proposés par un opérateur aux clients Grand Public, au moment où se situe cette étude (2005-2008) sont les suivants :
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Service conversationnel par RTC (Réseau Téléphonique Commuté) classique
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Service téléphonie mobile (voix et données)
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Service de fourniture d’accès à Internet
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Service conversationnel Vo.IP (protocole Voix sur Internet)
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Service audiovisuel
L’infrastructure est suffisamment complexe pour qu’il soit hors de question de s’y aventurer ici. Il est par contre intéressant d’être sensibilisé sur quelques structures de base et d’avoir une idée des ordres de grandeurs sur la consommation d’énergie qui peut être mise en jeu.
Il y a quelques années, le poids du service sur RTC était plus important que celui du service voix sur mobile et sur IP. Ce qui pouvait s’expliquer par le fait que les équipements du RTC était beaucoup plus vieux et moins efficaces sur le plan énergétique que ceux du réseau mobile et du réseau IP.
À présent, le réseau mobile offre davantage de services que le réseau fixe mais, ramené à un abonné, la demande énergétique du réseau mobile est plus grande alors que les équipements sont plus récents.
Une idée des consommations par abonné FT (source ARCEP, 2006)
Téléphonie fixe | 19 kWh/an | |
Téléphonie mobile | 23 kWh/an | |
Accès Internet HD | 31 kWh/an | |
Voix sur IP | 12 kWh/an | |
TV sur xDSL | 168 kWh/an |
À titre d’information, toutes ces consommations ramenées à l’échelle globale de notre opérateur correspondent à 1,5 % de la consommation d’énergie électrique en France. Voir figure ci-contre.
Et pour oser une comparaison simpliste, une ampoule courante à incandescence de 60 W consommerait 110 kWh/an si elle restait allumée 5 h/j.
4.1. Un service surprenant : le centre de données (data center)
Pour un hébergeur professionnel la disposition de l’espace des machines a une importance capitale. Ces salles d’hébergement spécialisées, sont organisées en baies, armoires accueillant des éléments en rack dans des emplacements de taille normalisée. Elles sont appelées centres de données (data center).
Choix de l’hébergement
Les caractéristiques immédiates auxquelles s’attache l’utilisateur sont l’espace de stockage alloué, la bande passante et la puissance du serveur qui héberge un site ainsi que les garanties de la disponibilité et de la sauvegarde des données dont les pertes pourraient s’avérer coûteuses.
Mais il y a d’autres fonctions à prendre en compte que l’utilisateur client n’a pas toujours présents à l’esprit :
- Sécurité de l’accès physique au data center grâce à un contrôle d’accès sous diverses formes.
- Sécurité contre les incendies grâce à des systèmes de détection d’incendie par analyse de particules, couplés à un système d’extinction d’incendie par gaz ainsi que la propulsion de gouttelettes d’eau azotée de moins de 200 microns de diamètre à très haute pression afin de refroidir la zone de combustion.
- Garantie de l’environnement : régulation de l’hygrométrie et de la température grâce à une climatisation, à la présence d’extracteurs d’air souvent placés en haut de la baie et de ventilateurs parfois installés en bas de la baie.
- Redondance des alimentations électriques, des infrastructures critiques (routeurs, climatisation, etc.) et des liens de connexion à Internet et présence d’onduleurs, voire de groupes électrogènes.
Tout ceci a un coût : l’énergie consommée pour que les données venues du monde entier puissent transiter ou être sauvegardées en toute sécurité.
À titre d’exemple, voici le résultat du diagnostic du site FT réalisé en 2006 :
Serveurs | 39 % | |
Groupes de froid | 27 % | |
Onduleurs et ASI | 18 % | |
Équipements de transmission | 11 % | |
Répartiteurs | 2 % | |
Autres | 3 % |
Il y a un peu moins d’une décennie, la consommation d’énergie du centre de données représentait un pourcentage voisin de 20 % par rapport à la consommation globale.
4.2. Recherches d’économie d’énergie
La qualité de l’alimentation influence directement leur consommation électrique. De nombreuses machines ont aujourd’hui (2006) un rendement énergétique efficace inférieur à 60 %, le reste partant directement en chauffage. Les constructeurs commencent à proposer des gammes d’alimentation qui réduisent la dissipation thermique et la consommation électrique des PC.
Des travaux sur l’architecture ou la conversion du courant de ces alimentations permettent d’envisager des générations d’équipements plus efficaces en termes d’énergie. Utiliser une alimentation mieux adaptée à la consommation du terminal permettrait d’économiser 16 % de la consommation totale d’un PC (Aebischer, 2002).
Selon le Standard Européen ETSI EN 300-132-3, une approche en alimentation en courant continu est envisagée. Alimenter l’équipement en courant continu plutôt qu’en courant alternatif pourrait réduire la consommation énergétique de l’ordre de 20 % en supprimant les conversions inutiles (Marquet et al. 1999, 2005 / Pratt et al. 2007).
4.3. Mobiles et transfert vers les énergies renouvelables
4.3.1. Projet Millenium ONU
Projet mené par Ericsson (Suède) et Zain (opérateur panafricain). Un site de télécommunications entièrement vert à Dertu (Kenya).
* Énergies solaire et éolienne combinées permettent de répondre aux deux freins principaux à la construction d’infrastructure télécoms dans une zone isolée : coût des opérations de déploiement et alimentation en énergie fiable.
* Projet concernant des villages de 10 pays africains subsahariens :
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accès à des communications mobiles et à Internet
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accès pour plus d’un demi-million de personnes.
4.3.2. Expérimentation Bouygues Télécom (Lagardelle-sur-Lèze, sud de Toulouse
Une alternative à l’installation coûteuse des câbles EDF pour alimenter les antennes-relais. Bouygues Telecom a retenu la solution combinant énergie solaire et éolienne. L’installation fonctionnerait désormais de manière autonome et fiable.
Une antenne de 30 m supporte 9 micro-éoliennes de 90 cm de diamètre. Un champ de panneaux solaires d’une superficie de 76 m². Ces panneaux fournissent l’essentiel de l’énergie, soit 65 % des 1 300 Wh nécessaires au fonctionnement de l’installation. L’énergie est stockée dans une armoire de batteries pour être ensuite délivrée en continu.