Formulaire en forme de viatique
Selon le dictionnaire, viatique signifie « Provisions données à quelqu'un pour un voyage » ou « Sacrement de l'eucharistie donné à un chrétien au seuil de sa mort », mais au-delà, il existe un sens littéraire : « Aide et soutien pour les besoins de l'existence », ce qui autorise à étendre ce terme à notre domaine scientifique.
La notion de formulaire classique a donc été écartée. En effet, il est des moments où la notion de culture prime sur celle de connaissances. À un moment donné de notre existence, on a su nous enseigner, au point de résister à l’attraction de l’oubli.
Sensation d’avoir appris, plaisir d’une jeunesse mais aussi source de bons souvenirs à maintenir vivaces dans un âge bien avancé. Ce trouble actuel dans le profil de l’avenir nous incite à présent à trouver nos priorités, la première d’entre elles étant la culture, qui doit rester et nous survivre.
Comme le disait Émile Henriot (1889 – 1961) :
La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié.
(Notes et Maximes)
Il me revient ce souvenir étonnant d’un cours de mathématiques générales à l’université d’Alger, dans les années 1960 (les sixties). Notre professeur : un homme d’un âge mûr, mais très dynamique, un peu cabotin, de quoi rendre ses cours plus agréables ! Ce jour-là, il avait écrit lentement, à la craie blanche (c’était quoi une craie ?) sur le tableau noir en ardoise (c’était quoi une ardoise ?) cette formule célèbre :
e i π = − 1
Ayant délicatement posé la craie sur le bord du tableau, il était revenu vers nous en lissant sa moustache à la Brassens, entre le pouce et l’index. S’étant arrêté, prenant un air très sérieux, il nous avait dit : « La formule d’Euler ! La preuve de l’existence de Dieu ! »
Et il avait ajouté : « Avec un nombre transcendant “ e ”, un nombre imaginaire pur “ i ” et un nombre irrationnel “ π ”, Euler a fabriqué un nombre réel, qui de plus est l’unité, elle-même affectée du signe moins. »
Nous avions applaudi spontanément. Le professeur avait alors regagné le tableau pour la suite du cours, un chef d’œuvre de pédagogie matérialisé par un polycopié manuscrit, fort bien présenté, selon les moyens de reproduction de l’époque.
J’ai pensé que parmi toutes les formules rencontrées pendant mon cursus universitaire, certaines méritaient d’être retenues, non pas écrites sur des fiches Bristol, ni dans des mémoires informatiques, mais mémorisées par les neurones dont la nature nous a dotés.
Alors, j’ai entrepris de rassembler les formules essentielles, en nombre raisonnable, et en fonction de leur intérêt scientifique, de façon à nourrir sans peine les cerveaux concernés et puis, d’une certaine manière, de les restaurer.
C’est volontairement que je n’ai pas créé de structure particulière qui fût cartésienne. J’ai fait comme si, parcourant un livre d’antan, je repérais et marquais les passages intéressants pour les reporter immédiatement sur un carnet, à la manière de citations utilisables éventuellement plus tard.
Ce faisant, et pour conclure, j’ai emprunté cette phrase à Gustave Flaubert :
Ce que j’entreprends est insensé et n’aura aucun succès dans le public. N’importe, il faut écrire pour soi, avant tout. C’est la seule chance de faire beau.
Ceci étant, au travail !, car le temps fuit et nous traîne avec soi (Nicolas Boileau).