II. Tenseur et géométrie métrique. Espace réel euclidien

Produit intérieur et norme. Composantes covariantes d'un tenseur. Produit intérieur et norme, produit contracté. Tenseurs euclidiens. Tenseurs antisymétriques et associés en métrique.

1. Produit intérieur et norme

Effectuons un changement de repère (le nouveau n’étant pas forcément orthogonal normé) : \[\overrightarrow{r_i}=\rho_j^i~\overrightarrow{e_i}\]

Soient \(\overrightarrow{X}\) et \(\overrightarrow{Y}\) deux vecteurs dans ce nouveau repère : \[u^i=\rho_j^i~x^j\quad\text{et}\quad v^i=\rho_j^i~y^j\]

Le produit intérieur de ces deux vecteurs a pour expression : \[\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}=\sum_{i=1}^{i=n}~\rho_j^i~\rho_k^i~x^j~x^k\]

Les \(\rho_j^i,~\rho_k^i\) sont en fait les composantes de \(\overrightarrow{r_j},~\overrightarrow{r_k}\) dans la base \((\overrightarrow{e_1},~\dots,~\overrightarrow{e_n})\).

On a donc : \[\sum_{i=1}^{i=n} \rho_j^i~\rho_k^i~x^j~x^k = \overrightarrow{r_j}\cdot\overrightarrow{r_k}\]

Nous poserons   \(g_{jk}=\overrightarrow{r_j}\cdot\overrightarrow{r_k}\) , étant entendu que \(g_{jk}=g_{kj}\).\(\qquad(1)\)

Le produit intérieur des deux vecteurs \(\overrightarrow{X}\) et \(\overrightarrow{Y}\) est donc donné dans cette base par une forme bilinéaire symétrique : \[\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}=g_{jk}~x^j~y^k\qquad(2)\]

Ce résultat peut d’ailleurs s’obtenir plus simplement en utilisant les propriétés du produit intérieur défini dans la base \((\overrightarrow{e_1},~\dots,~\overrightarrow{e_n})\) : \[\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}=x^i~\overrightarrow{r}_i\cdot y^j~\overrightarrow{r_j}=\overrightarrow{r_i}\cdot\overrightarrow{r_j}~x^i~y^j=g_{ij}~x^i~y^j\qquad(3)\]

La norme d’un vecteur \(\overrightarrow{X}\) est la forme quadratique associée à la forme bilinéaire précédente : \[(\overrightarrow{X})^2=g_{ij}~x^i~x^j\qquad(4)\]

La norme de ce vecteur \(\overrightarrow{X}\) étant un scalaire (invariant) strictement positif, cette forme quadratique est donc nécessairement définie positive : on lui donne le nom de première forme quadratique fondamentale relative à la base \(\overrightarrow{r}\).

Remarque

L’invariance du produit intérieur de deux vecteurs et de la norme d’un vecteur montre que l’angle \(V\) de deux vecteurs peut être encore défini par la relation classique dans les deux repères : \[\cos(V)=\frac{\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}}{\sqrt{(\overrightarrow{X})^2~(\overrightarrow{Y})^2}}\]

Ce qui entraine : \[(\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y})^2~\leq~(\overrightarrow{X})^2~(\overrightarrow{Y})^2 \qquad\text{inégalité de Schwartz}\]

La forme bilinéaire symétrique du produit intérieur étant par hypothèse invariante dans un changement de repère, les \(g_{ij}\) sont les composantes d’un tenseur symétrique deux fois covariant, le tenseur métrique.

2. Composantes covariantes d’un tenseur

On appelle composantes covariantes du vecteur \(\overrightarrow{X}\) dans la base \((\overrightarrow{r})\) les nombres \(x_i=\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{r}_i\).

Il est facile d’évaluer ces nombres en fonction des composantes contravariantes.

On a : \[\overrightarrow{X}=x^j~\overrightarrow{r_j}\]

Effectuons le produit intérieur des deux membres de cette égalité par \(\overrightarrow{r_i}\). On a : \[x_i=x^j~\overrightarrow{r_j}\cdot\overrightarrow{r_i}=g_{ij}~x^j\qquad(5)\]

Par suite, les \(x_i\) sont les composantes covariantes d’un tenseur du premier ordre de \(E_n\), ce qui justifie leur nom.

La forme quadratique (4) étant définie positive, le déterminant \((g)\) du tenseur métrique n’est pas nul.

Par suite, on peut résoudre le système (5) par les formules de Cramer : \[x^j=g^{ij}~x_i\quad\text{avec}\quad g^{ij}=g^{ji}=\frac{(g_{ij})}{(g)}\qquad(6)\]

\((g_{ij})\) étant le coefficient de \(g_{ij}\) du déterminant \((g)\).

Les quantités \(g^{ij}\) apparaissent comme les composantes d’un tenseur deux fois contravariant de \(E_n\). Nous les appellerons composantes contravariantes du tenseur métrique dont les \(g_{ij}\) sont les composantes covariantes.

D’après ce qui précède, on a évidemment : \[g_{ij}~g^{ij}=g_i^j\]

3. Produit intérieur et norme. Produit contracté

Si l’on tient compte du système (5), la relation (3) qui définit le produit intérieur de deux vecteurs s’écrit : \[\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}=g_{ij}~x^i~x^j=x^i~y_i=x_i~y^j\qquad(7)\]

Le produit intérieur \(\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}\) peut donc être considéré comme le produit contracté des vecteurs \(\overrightarrow{X}\) et \(\overrightarrow{Y}\) considérés l’un comme covariant et l’autre comme contravariant.

De plus, si l’on tient compte du système (6) : \[\overrightarrow{X}\cdot\overrightarrow{Y}=x^j~y_j=g^{ij}~x_i~y_j\]

Ce produit intérieur s’exprime donc par une forme bilinéaire symétrique des composantes covariantes de \(\overrightarrow{X}\) et \(\overrightarrow{Y}\) dont les coefficients sont les composantes contravariantes du tenseur métrique.

La norme du vecteur présente donc les diverses formes suivantes : \[(\overrightarrow{X})^2=g_{ij}~x^i~x^j=x^i~x^i=g^{ij}~x_i~x_j\]

Le dernier membre de cette suite d’égalités est une forme quadratique définie positive que l’on appelle seconde forme quadratique fondamentale relative à la base \((\overrightarrow{r})\). Le membre intermédiaire montre que l’on peut considérer la norme d’un vecteur comme le produit contracté de ce vecteur par lui-même.

On démontre que pour qu’une forme quadratique (à coefficients constants) puisse définir la norme dans l’espace euclidien réel rapporté à une base convenablement choisie, il faut et il suffit qu’elle soit définie positive.

Remarque

Dans la base \((\overrightarrow{r})\), le vecteur \(\overrightarrow{X}\) est défini par ses composantes contravariantes \(x^i\). Les composantes covariantes \(x_j\) de ce vecteur sont les composantes d’un vecteur de l’espace dual \(E_n^*\) dont nous désignerons la base par \((\overrightarrow{R})\) : c’est la base réciproque de \((\overrightarrow{r})\).

Elle est déterminée par le système : \[\overrightarrow{R_j}=g^{ij}~\overrightarrow{r_i}\]

car la relation : \[\overrightarrow{X}=x^i~\overrightarrow{r_i}=g^{ij}~x_j~\overrightarrow{r_i}=x_j~\overrightarrow{R^j}\]

a lieu pour tous les vecteurs de \(E_n\).

On a évidemment de même : \[\overrightarrow{r_i}=g_{ij}~\overrightarrow{R^j}\]

De plus : \[\overrightarrow{r_k}~\overrightarrow{R^j}=g^{ij}~\overrightarrow{r_k}\cdot\overrightarrow{r_i}=g^{ij}~g_{ki}=g_k^j\]

4. Tenseurs euclidiens

En formant le produit ordinaire du tenseur métrique (covariant ou contravariant) par un tenseur quelconque, on peut former un second tenseur de variance différente.

On peut écrire par exemple : \[t_{ir}=g_{jr}~t_i^j\]

Si \(t_i^j\) est un tenseur mixte une fois covariant et une fois contravariant, son produit ordinaire par \(g_{jr}\) sera un tenseur deux fois covariant.

On a coutume de considérer tous les tenseurs que l’on peut obtenir à partir de l’un d’eux \((t_i^j)\), non pas comme des tenseurs différents, mais comme des composantes d’un même tenseur. Cela tient à ce que cette transformation est réversible, c’est-à-dire que, si l’on élève l’indice \(r\) de \(t_{ir}\), on retrouve \(t_i^j\).

En effet, multiplions les deux membres de l’égalité précédente par \(g^{jr}\) et sommons par rapport à \(r\) (nous changeons le nom de l’indice muet \(j\) du second membre pour éviter la confusion) : \[g^{jr}~t_{ir}=g^{jr}~g_{sr}~t_i^s=t_i^j\]

Nous avons appelé le tenseur \(g_{ij}\) tenseur métrique pour noter l’intervention de ce seul tenseur dans les formules qui donnent la norme ou le carré d’un vecteur et l’angle de deux vecteurs.

Les \(g^{ij}\) sont donc les composantes deux fois contravariantes de ce même tenseur et le tenseur de Kronecker \(g_i^j\) reproduit ses composantes mixtes. Remarquons toutefois que ce tenseur existe même si le tenseur métrique n’est pas défini.

Remarque

Si le repère est orthonormé, les composantes covariantes, contravariantes et mixtes du tenseur métrique sont confondues : \[g_{ij}=g^{ij}=g_i^j\]

Par suite, la distinction entre covariance et contravariance disparaît pour tout tenseur. De plus, si l’on ne considère que des transformations de coordonnées entre de tels repères, ces propriétés subsistent, car les coefficients de transformation sont dans ce cas : \[a_j^i=\overrightarrow{R_j}\cdot\overrightarrow{r_i}=\overrightarrow{r_i}\cdot\overrightarrow{R_j}=b_i^j\]

Un tel espace est alors appelé espace cartésien.

On convient alors généralement de n’employer que des indices inférieurs, considérant comme muet tout indice qui figure deux fois dans un monôme. Il faut cependant, pour les \(a\), distinguer l’indice ancien du nouveau en les écrivant dans un ordre invariable : l’ancien en premier. Remarquons que les invariants ou systèmes invariants ainsi obtenus ne sont valables que dans des changements de repères orthonormés.

5. Tenseurs antisymétriques métriquement associés

Étant donné par exemple un tenseur antisymétrique deux fois covariant \(t_{ij}\) de \(E_n\), considérons le tenseur deux fois contravariant : \[t^{rs}=g^{ir}~g^{js}~t_{ij}\]

C’est un tenseur antisymétrique, car (par changement d’indices muets) : \[t^{rs}=g^{ir}~g^{js}~t_{ij}=g^{is}~g^{jr}~t_{ji}=-t^{sr}\]

En tenant compte de la symétrie des \(g\) et de l’antisymétrie des \(t\), cette formule s’écrit : \[t^{rs}= \begin{pmatrix} g^{ir}&g^{is}\\ g^{jr}&g^{js} \end{pmatrix}~ t_{ij}\]

Les nombres : \[g^{ij,~rs}= \begin{pmatrix} g^{ir}&g^{is}\\ g^{jr}&g^{js} \end{pmatrix}\]

sont les composantes d’un tenseur : le double tenseur métrique.

Ce tenseur présente un type de symétrie assez répandue : \[g^{ij,~rs}=g^{rs,~ij}=-g^{ji,~rs}=-g^{ij,~sr}\]

Remarque

On appelle produit scalaire de deux tenseurs antisymétriques, l’un \(p\) fois covariant, l’autre \(q\) fois contravariant, leur demi-produit contracté (qui est évidemment un scalaire).

Le produit scalaire des tenseurs antisymétriques \(t^{ij}\) et \(\sigma_{ij}\) aura pour expression : \[\frac{1}{2}~t^{ij}~\sigma_{ij}\]

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