1. Un problème énergétique
Le problème environnemental peut être ramené à deux questions fondamentales et complémentaires, voire indissociables : l’énergie en tant que ressource épuisable, mais aussi l’énergie en tant en tant que source de pollution.
Il y a quelques années, une extrapolation des tendances à l’accroissement de la consommation d’énergie observées à partir des années 1970 permettait d’estimer que, dans la deuxième moitié du XXI\(^e\) siècle, les limites de l’équilibre thermique de l’écosphère pourraient être atteintes. Les apports de chaleur dus à la civilisation technologique auraient dépassé 5 % de la valeur du moment. Il faut savoir que 1 % d’accroissement du flux énergétique en référence au flux solaire provoquerait un changement climatique important.
Un développement trop important de la production d’énergie électrique (charbon ou fission nucléaire) se heurtera à l’obstacle de la pollution thermique.
Le réchauffement des eaux fluviales est devenu une contrainte pour les centrales électriques. À titre d’exemple, sous un climat sec, une centrale de 1 000 MW peut consommer jusqu’à 6 m³/s. Une perte d’eau qui peut devenir problématique.
En fait, tout système thermodynamique se trouve confronté au problème de l’entropisation : l’apparition de pôles d’accumulation est accompagnée d’une atteinte du milieu dans lequel ils apparaissent. Ceci pourrait bien se produire, à plus ou moins long terme, avec la biosphère.
C’est la raison pour laquelle il importe de connaître toutes les possibilités offertes par le milieu naturel, en évitant toute posture d’écologiste rigoureux, car le passage du laboratoire à la réalisation industrielle n’est pas toujours aussi triviale qu’il y paraît.
Nous examinerons ce problème préoccupant en scientifique, en essayant de le comprendre au mieux et en tâchant de l’expliquer encore mieux.
2. Énergies naturelles et énergies renouvelables
Le flux solaire direct, et les énergies dérivées, l’éolienne et l’hydraulique, les plus utilisées actuellement, celle des vagues, enfin l’énergie gravitationnelle responsable des marées océaniques, sont par essence inépuisables et gratuites d’accès, car elles correspondent à des flux naturels permanents, non à des stocks comme les combustibles fossiles ou les matières fissiles.
2.1. Sens du mot renouvelable
À l’exception de la géothermie, les énergies mentionnées ci-dessus sont intrinsèquement renouvelables. Mais renouvelable ne signifie pas renouvelé : Une forêt gérée de manière durable peut fournir une quantité d’énergie de manière renouvelable ; par contre, une forêt surexploitée finira par disparaître.
La notion de renouvelable implique celle d’un équilibre avec les capacités de régénération du milieu. Il s’agit en fait d’une volonté de se mettre en équilibre avec le milieu, ce qui est en soi la démarche intrinsèquement écologique.
2.2. Énergie solaire
Le gisement solaire représente la plus importante des sources d’énergie naturelle. Inépuisable et constante (du moins pour la durée de la civilisation humaine), elle est partout disponible à la surface de la Terre, mais avec d’inévitables variations géographiques dans l’intensité de son flux : les quantités d’énergie reçue varient de plus en plus quand on s’éloigne de l’équateur et en fonction du cycle de saisons.
Compte tenu de l’absorption atmosphérique, la valeur moyenne du flux solaire à la surface terrestre est de 236 W(th)/m² avec une valeur maximale de 290 W(th = thermique)/m² dans certaines zones intertropicales et une valeur minimale de 90 W(th)/m² aux pôles. En France, le flux moyen au sol est de 180 W(th)/m².
De grandes surfaces sont nécessaires pour capter cette énergie. Si l’on voulait produire avec des capteurs solaires toute l’énergie dont la France a besoin, avec l’hypothèse d’un rendement net de 10 %, il faudrait recouvrir le pays de 30 000 km² de telles installations.
En dépit de telles limitations, l’énergie solaire offre de considérables possibilités, la plaçant de fort loin par l’importance de son gisement devant les autres sources d’énergie renouvelables. Il existe plusieurs procédés de conversion, les deux plus importants étant la conversion thermique directe et la conversion thermoélectrique.
2.2.1. Conversion thermique directe
Pour l’instant, la forme d’énergie solaire qui offre une réelle alternative énergétique, bien souvent immédiatement applicable, tient en l’utilisation du flux solaire direct pour le chauffage des habitations et la production d’eau chaude. C’est aujourd’hui encore celle qui présente les plus grandes potentialités d’utilisation, les capteurs solaires thermiques étant de fort loin les moins coûteux de tous les systèmes existants.
2.2.2. Conversion thermoélectrique
La conversion thermoélectrique consiste à fabriquer de l’électricité en collectant le rayonnement solaire par un champ de miroirs qui le renvoie sur un miroir parabolique situé au sommet d’une tour surplombant le champ de miroirs collecteurs. Celle-ci chauffe une chaudière par convergence du faisceau.
Le précurseur a été le four solaire de Font-Romeu (Pyrénées-Orientales) à la fin des années 1960 avec une puissance de 64 kW(el = électrique). Sur la passerelle, le technicien montre comment une planche de bois peut être instantanément enflammée et carbonisée quand elle est placée exactement au foyer du système de miroirs.
Aux USA, la plus importante centrale électrique utilisant ce procédé a été construite dans le désert de Majave en Californie, avec une puissance installée est de 120 MW(el).
Cependant la conversion thermoélectrique présente l’inconvénient d’utiliser le rayonnement direct par ciel dégagé, ce qui limite sa mise en œuvre aux climats méditerranéens ou désertiques.
2.2.3. Conversion électrique directe ou photovoltaïque
L’énergie solaire photovoltaïque a pris une importance considérable, devenue incontournable en matière de technologie, d’économie et de politique. Le principe, basé sur l’effet photoélectrique ne sera pas abordé ici, faisant l’objet de la première partie de l’article VII. Des matériaux de la nature pour des piles. Nous ouvrirons seulement une parenthèse sur ses modes d’utilisation et les installations qui s’y rapportent.
Tout d’abord, l’utilisation locale ou non connectée. Le courant continu produit est directement consommé, ce qui est le cas des panneaux solaires pour les antennes relais isolées. Un couplage avec des batteries d’accumulateurs est nécessaire pour conserver cette énergie et la restituer au cours de périodes sans lumière. Citons également le cas des calculatrices solaires conçues pour fonctionner en présence de lumière naturelle (ou artificielle) et celui des dispositifs pour l’éclairage nocturnes des allées.
Certaines installations photovoltaïques peuvent être raccordées sur un réseau de distribution (celui d’EDF par exemple) dans lesquelles des onduleurs transforment le courant continu en courant alternatif, l’énergie produite étant consommée instantanément par les autres clients du réseau.
2.3. Énergie éolienne
Après le gisement solaire et l’hydraulique, l’éolien représente potentiellement la plus importante des autres sources d’énergies renouvelables. À basse altitude, elle correspond à un flux total d’une valeur de 100.10\(^6\) MW (équivalent énergétique de 70.10\(^9\) tep/an, tep = tonne d’équivalent pétrole). Cela équivaut à une puissance moyenne à la surface de la Terre de 200 kW/km².
Si l’on arrivait à convertir 1 % de cette énergie, ce qui est théoriquement réalisable à l’heure actuelle, cela correspondrait en équivalent combustible fossile à 700 millions tep, soit encore à 20 % de la consommation mondiale de pétrole en 2000.
Comme pour la plupart des énergies naturelles, la densité obtenue est faible, avec une valeur moyenne de 0,4 kW/m² dans les zones les plus favorables et au mieux de 0,2 kW/m² dans la majorité des sites équipés. En prenant cette valeur moyenne et en supposant un rendement de conversion déjà favorable de 40 %, on peut calculer qu’une éolienne de 1 000 kW(el) nécessiterait des pales de 125 m de diamètre. Cela implique donc la construction de très grandes machines.
À l’heure actuelle, la puissance moyenne des turbines équipant les sites en exploitation dans le monde est comprise entre 900 kW et 1 MW. Des turbines de 2 à 5 MW sont construites en routine pour équiper des sites off-shore, lesquels présentent l’immense avantage de ne pas présenter de nuisance de voisinage, ni d’enlaidir le paysage. Les éoliennes ne peuvent être installées que dans des zones limitées à l’échelle d’un pays : certaines côtes ou régions de relief accentué, sur les crêtes, là où l’intensité et la fréquence du vent sont les plus élevées.
Un inconvénient d’usage majeur de l’énergie éolienne est qu’elle est intermittente, le vent pouvant faire défaut sur une durée plus ou moins prolongée. Il résulte de cette grande irrégularité du régime des vents que la puissance efficace des éoliennes est nettement inférieure à leur puissance nominale, ce qui accroît la faiblesse du rendement de ce type d’énergie. Compte tenu de la faiblesse de densité de cette énergie, elle implique l’édification d’un nombre considérable de tels engins : 1 500 éoliennes de 950 kW seraient par exemple nécessaires pour atteindre une puissance installée équivalente à celle d’une centrale nucléaire de type Civeaux.
La production d’électricité éolienne a connu un considérable développement au cours de la période 1985 – 2000 où elle a cru à un rythme impressionnant de 30 % par an au cours des années 1990. En 2002, la puissance totale d’énergie éolienne installée dans le monde dépassait quelques 30 GW(el). Sa vitesse de croissance permettait alors de penser que, si elle se maintenait au cours de la présente décennie, la puissance installée augmentée de 14 fois.
En réalité, dans les données techniques actuellement relatives aux énergies renouvelables, l’énergie éolienne est mieux placée que les centrales solaires pour des installations de puissance, le solaire ayant vocation, comme indiqué plus haut, bien plus que toute autre énergie renouvelable, à une production électrique décentralisée.
La plus grande centrale éolienne du monde, celle d’Altamonte en Californie, produit 1 000 MW(el) grâce à 8 000 mats.
Au plan économique, le coût moyen de l’énergie éolienne était en 2003 de 0,05 € / kW.h sur les sites bien ventés contre 0,02 € dans les cas les plus défavorables pour l’électricité photovoltaïque -– le coût de cette dernière s’élevant en moyenne à 0,60 € / kW.h.
En pratique, dans le cas des aérogénérateurs actuellement en service, le rendement est compris entre 12 et 30 % par rapport à l’énergie initiale du vent.
2.3.1. Puissance effective d’une éolienne
La puissance d’un fluide en mouvement \(\varpi_e\) par unité de surface est liée à sa masse spécifique \(\rho\) et à sa vitesse \(v\) par la relation : \[\varpi_e=\frac{1}{2}~\rho~v^3\]
La puissance dépendra par ailleurs de la longueur des pales, donc du diamètre de l’hélice (rotor) et de la vitesse du vent à un instant donné : \[W_e=c~\pi~\Bigl(\frac{l}{2}\Bigr)^2~\frac{k}{2}~\rho~v^3\]
l : diamètre du rotor
v : vitesse du vent
c : constante calibrant les performances aérodynamiques de l’éolienne
k : coefficient des conditions aérodynamiques instantanées (\(T_{atm},~P_{atm}\))
\(\rho\) : masse spécifique de l’air dans les conditions normales
Compte tenu d’un rendement de l’ordre de 60 %, l’allemand Betz a montré que, dans les conditions normales (15 °C, 1 015 millibars) on a, avec \(k = 1\) : \[W_e=0,37~\frac{\pi}{4}~l^2~v^3=0,29~l^2~v^3\]
Pour accroître la puissance des éoliennes, le diamètre des pales a progressivement augmenté avec l’allègement du matériau (polyester métal, fibre de carbone), la puissance étant proportionnelle à la surface balayée par l’hélice. Des diamètres d’hélice de 30 ou 40 m sont fréquents pour une puissance unitaire de 500 kW.
La vitesse du vent varie selon la configuration de la surface du sol et la distance de ce dernier, car, lorsqu’on s’élève, le vent est de moins en moins freiné par les rugosités du sol. Ainsi, le rotor à une hauteur de 50 m permet de capter un vent de vitesse 35 % supérieure à celui d’une hauteur 10 m, donc de doubler la puissance. Tout cela explique la nécessité de disposer l’aérogénérateur à la plus grande hauteur possible.
Par ailleurs, l’installation de l’éolienne sur sol plat ou peu accidenté permet de minimiser les pertes dues à l’effet de surface qui induit les turbulences. En pratique, le rotor est généralement situé en haut d’une tour d’environ 30 m à 40 m pour obvier à l’effet de sol.
Les éoliennes doivent être en permanence face au vent pour produire l’énergie maximale, ce qui est obtenu par servomécanisme. De plus, l’éolienne ne démarre qu’à partir d’une certaine vitesse du vent (3 à 4 m/s) et elle s’arrête pour ne pas s’emballer, voire être détruite, en cas de vent violent.
2.4. Énergie géothermique
L’énergie géothermique est constituée de la chaleur stockée dans les couches profondes de la Terre, remontant aux origines de la condensation du système solaire, à laquelle s’est ajoutée celle due à la désintégration des actinides et éléments lourds. Elle est donc particulièrement abondante dans les zones volcaniques où le magma est plus proche de la surface.
Son importance peut en première approximation s’évaluer par la valeur du gradient géothermique, lequel désigne l’augmentation de température en fonction de la profondeur en un lieu donné. Ce gradient est compris dans les zones continentales entre 2 et 4 °C / 100 m avec une moyenne de 2,40 °C. Il est maximum dans les zones de volcanisme, c’est-à-dire à la jonction des plaques qui constituent les sites les plus favorables à l’utilisation de cette énergie. En revanche, il est le plus faible au milieu des plaques continentales.
L’énergie géothermique est une énergie renouvelable à condition de gérer l’extraction de l’eau avec prudence, car elle se réchauffe très lentement dans le sous-sol. Un complexe géothermique comporte deux forages, l’un où l’on extrait l’eau chaude et l’autre où on la réinjecte après récupération de la chaleur.
Quand la température de l’eau est comprise entre 30 et 100 °C, on parle de géothermie basse énergie. Profondeur entre 1000 et 2500 m.
Pour une température comprise entre 100 et 180 °C, on parle de géothermie moyenne énergie. Grande profondeur, entre 2500 et 4000 m, plus réduite dans les régions volcaniques.
La géothermie haute énergie, entre 180 et 300 °C ne se rencontre que dans des régions à haut volcanisme comme l’Islande ou les Philippines.
2.5. Autres énergies
Intrinsèquement inépuisable, car elle est d’origine gravitationnelle, l’énergie marée motrice représente en pratique un gisement d’importance très limitée, en dépit des quantités colossales de cette dernière que déplacent les marées océaniques. En réalité, seul un nombre très restreint de sites – à l’échelle mondiale – convient à la construction d’usines productrices d’électricité à partir de ce type d’énergie.
À noter que la construction de centrales marée motrice exige des marées d’au moins 5 m d’amplitude. La seule réalisation effective actuelle est celle d’EDF sur la Rance où une centrale de 250 MW(el) a été construite à la fin des années 1960.