X. Rayonnements et pollutions

Poser le problème. La radioactivité : période physique et période biologique. Effets biologiques des ondes électro­magnétiques.

1. Poser le problème

Il y a encore quelques décennies, l’inquiétude était essentiellement d’ordre nucléaire, d’abord avec la bombe, puis avec le développement de plus en plus important des centrales atomiques et des questions de sécurité nucléaire. Il s’agissait donc d’une notion de radioactivité, bien implantée dans tous les esprits.

Ce problème n’a pas disparu, mais il a pris une autre dimension avec la radiobiologie, avec le développement exponentiel de la téléphonie mobile, avec les ondes des appareils si proches de nous comme le four à microondes par exemple.

Aussi, faut-il se garder de vision d’apocalypse, mais, par voix de conséquence, il faut faire l’effort d’acquérir une certaine connaissance des problèmes. Tel est l’objet du présent article.

2. Radioactivité. Période physique et période biologique

La radioactivité provient de la transformation spontanée certains types d’atomes (isotopes), avec émission de rayonnements. Un corps radioactif se désintègre : sa masse décroît en progression géométrique en fonction du temps.

La période \(T_p\) d’un isotope radioactif (radio-élément) est le temps nécessaire pour que se désintègre la moitié d’une masse initiale de ce corps. Cette période est de plus variable selon l’isotope considéré : 2 heures pour l’argon 41, 4,5 milliards d’années pour l’uranium 238.

En théorie, et quel que soit le radionucléide considéré, il faut une durée infinie pour que la totalité de la radioactivité disparaisse puisque la désintégration est une fonction exponentielle négative : \[M_t=M_0~e^{-\lambda t}\]

       \(M_0\) : masse initiale du radioélément
  \(M_t\) : masse du radioélément au temps t
  \(\lambda\) : coefficient dépendant du radionucléide considéré

On sait que : \[T_p=Log(2)/{\lambda}\]

La période biologique \(T_b\) est la durée nécessaire pour que disparaisse d’un organisme donné la moitié de la masse d’un élément biogène constituant un être vivant, ou de tout autre élément présent dans sa biomasse.

Lorsqu’un individu est contaminé par un radio-isotope, la période effective \(T_e\) mesure de la durée de demi-vie de ce contaminant dans l’organisme considéré. Une valeur heureusement plus faible que la période physique, car son temps moyen de séjour sera nettement inférieur, diminué par la vitesse de son turn-over propre au catabolisme de l’élément considéré.

Il faut par exemple en moyenne 3 semaines pour que soit renouvelée la moitié du carbone constituant l’organisme humain, alors que la période du carbone 14 est de 5 600 ans. La période effective est donnée par la relation : \[\frac{1}{T_e}=\frac{1}{T_p}+\frac{1}{T_b}\]

L’importance écologique des divers radio-isotopes n’est pas comparable. On concevra aisément que les radionucléides à période brève, disons inférieure à 2 jours par exemple, ne seront pas dangereux, sauf en cas d’exposition directe, car ils ne peuvent persister à des concentrations significatives que pendant une durée assez courte (avec une période de 2 jours, la radioactivité résiduelle sera égale, après 40 jours, au millionième de sa valeur initiale).

En définitive, les radioéléments les plus dangereux seront ceux de période de valeur moyenne, c’est-à-dire se comptant en semaines, en mois ou en années. Ils persisteront assez longtemps dans l’environnement pour s’accumuler dans les divers organismes constituant les diverses communautés terrestres ou aquatiques et se bio-amplifier dans les réseaux trophiques.

La plus ancienne unité de mesure de rayonnement est le curie (Ci). Celle-ci correspond à la désintégration de 3,7 10\(^{10}\) atomes par seconde, soit l’équivalent de la radioactivité émise pendant ce laps de temps par gramme de radium. Comme cette quantité est très élevée, les radio-écologues ont recours à des sous-unités de cette dernière, soit le gray et le sievert.

Le gray (Gy) est l’unité légale de dose de rayonnement absorbée. Elle se définit comme la quantité d’irradiation équivalente à une énergie d’un joule par kilogramme de tissus vivants. Avant 1986, l’unité de dose était le rad, quantité d’irradiation égale à un support d’énergie de 100 ergs par gramme de tissus vivants (1 Gy = 100 rd).

Le sievert (Sv) est une unité équivalente de dose. Elle prend en considération un facteur de correction Q tenant compte, à énergie absorbée égale, de l’efficacité biologique relative (EBR) qui dépend de la nature des rayonnements.

En effet, les rayons \(\alpha, \beta, \gamma\)ou \(X\) et les neutrons n’ont pas les mêmes effets biologiques, à quantité d’énergie incidente équivalente. Ainsi, le coefficient d’efficacité biologique relative d’un neutron lent est 10 fois supérieure à celui d’un rayonnement \(\gamma\) ou \(X\) de 320 kV. Pour un neutron, on aura donc en moyenne 1 Gy = 10 Sv. Pour les rayonnements électromagnétiques \(\beta, \gamma\) ou \(X\), on peut considérer le plus souvent que Q = 1. En revanche, pour les émetteurs \(\alpha\), le coefficient Q est de 20. Avant 1986, l’unité d’équivalent de dose était le rem (1 Sv = 100 rem)

3. Effets biologiques des ondes électromagnétiques

Après les controverses sur les risques liés à l’usage des fours à micro-ondes, c’est au tour du radiotéléphone cellulaire d’être mis en cause. Les interactions des rayonnements avec les structures biologiques existent, mais sont relativement mal connues. Nous nous bornerons essentiellement à la valeur d’un champ électromagnétique à une distance donnée dans un tissu biologique, avec quelques ordres de grandeurs.

Les fuites d’un four à micro-ondes ou même d’un radar puissant sont très faibles en raison des précautions prises au moment de leur industrialisation. Elles ne peuvent pas induire d’effets thermiques nuisibles, mais le rayonnement en dehors de la bande autorisé existe, d’où un risque de brouillage des services radioélectriques.

Dans les terminaux radiotéléphoniques comme le GSM, la puissance moyenne est de l’ordre du watt et un calcul sommaire montre que, même lorsque l’antenne est tout contre la tête de l’utilisateur, la densité d’exposition à 3 cm de l’antenne ne dépasse pas 3 mW/cm², niveau trop faible pour provoquer a priori des effets thermiques nuisibles.

D’une manière générale, la densité de puissance qui détermine les risques de l’exposition diminue avec le carré de la distance, pour devenir très vite totalement négligeable en ce qui concerne les effets thermiques.

Une nouvelle grandeur physique a été introduite (normalisation) pour la dosimètrie : le DAM (débit d’absorption massique ou spécifique) qui est donc une valeur locale.

4. Appendice

4.1. CI, août 1999, p. 39

Éteignez les mobiles, on n’entend plus le big-bang !

Les ondes radio qui relient les téléphones mobiles aux satellites brouillent les instruments d’observation du ciel. Une perturbation que les opérateurs ont du mal à admettre.

Les signaux venus de l’espace, ceux-là mêmes qui recèlent le plus de données quant aux origines de l’Univers, sont souvent des centaines de millions de fois plus faibles que les signaux de communication d’origine terrestre, et les ondes radio envoyées par les téléphones mobiles deviennent de plus en plus gênantes.

La pollution a atteint un niveau tel que, de la Chine au Chili, les scientifiques demandent l’établissement de zones internationales de silence radio à l’intérieur desquelles les observations de la radioastronomie pourraient être effectuées sans interférences d’origine humaine.

Naturellement, l’UIT (Union internationale des télécommunications), l’agence onusienne chargée de répartir les fréquences radio, se trouve en présence d’un affrontement entre big-bang et big-bucks (gros dollars). Affaire à suivre.

4.2. CI, mars 2003, p. 57

Les téléphones portables détruisent-ils les neurones ?

Un groupe de chercheurs suédois vient d’annoncer qu’une exposition de deux heures aux micro-ondes émises par certains téléphones portables peut détruire les neurones de rats de laboratoire. Si ces résultats sont confirmés, ils seront les premiers à démontrer la nocivité des radiations des téléphones cellulaires pour le cerveau d’un animal. Aucune preuve n’existe encore en ce qui concerne les êtres humains. Pourtant, devant l’explosion du nombre d’usagers des téléphones portables, certains scientifiques recommandent des mesures de prudence, comme éviter de bavarder au téléphone pendant des heures.

Aux États-Unis, les téléphones standard émettent 5O impulsions à la seconde (Hz) tandis que le standard européen (GSM) est à 217 impulsions. Ces impulsions envoient naturellement des radiations micro-ondes basse fréquence dans le cerveau. Pour l’instant, aucune preuve tangible n’a établi de lien entre ces téléphones et l’apparition de cancers.

Il y a une dizaine d’années, des chercheurs du CHU suédois Lund University Hospital ont prouvé que ces radiations provoquaient la perméabilité de la barrière protectrice du cerveau des rats, permettant ainsi aux protéines sanguines, normalement isolées du tissu cérébral, d’entrer en contact avec les neurones.

Aujourd’hui, cette équipe rapporte que cette brèche dans la barrière hémato-encéphalitique entraîne la mort de neurones. Des rats adolescents ont été exposés pendant deux heures à des téléphones GSM à l’un des trois niveaux de puissance possibles (0,01, 0,1 et 1 watt), sachant que ces téléphones ont en général une puissance maximale de 0,6 W. Les rats d’un groupe témoin n’ont subi aucune exposition.

L’examen des tissus cérébraux des animaux, réalisé 50 jours plus tard, a révélé que jusqu’à 2 % des neurones de rats exposés aux radiations de 0,1 W ou davantage étaient morts ou mourants. L’hippocampe, le cortex et le tronc cérébral étaient les zones les plus touchées.

L’utilisation régulière des téléphones cellulaires pourrait devenir problématique pour l’homme surtout si les effets s’additionnent avec le temps. Et il ne s’agit pas que de téléphone : la question se pose dans les bureaux modernes où les fils disparaissent, les gens étant exposés à une mer de micro-ondes selon l’expression du neuro-scientifique W. Ross Adey de l’université californienne de Loma Linda, qui ajoute : « Il faut se poser la question : quelle quantité d’ondes sommes-nous capables de supporter avant de mettre notre santé en danger ? »

4.3. Pour plaisanter, mais dans le vrai

Extrait du journal Libération (rubrique Multimédia) du 21 mai 1995

Dans un bureau du Centre électronique de l’armement (Célar) de Bruz (Ile-et-Vilaine) trône un PC ayant déjà quelques heures de vol. Sur l’écran vert, un texte anodin. L’ordinateur est banal, tout comme le bureau qui l’abrite. Par la fenêtre, à une soixantaine de mètres, on aperçoit un petit véhicule utilitaire, comme on en voit des milliers sur toutes les routes de France. Il abrite un autre microordinateur, un peu plus moderne que le premier et, devant nos yeux écarquillés, l’écran reproduit l’image exacte du texte affiché dans ce bureau, là-bas.

Explication : Pratiquement, tous les éléments d’un ordinateur - quel qu’il soit - fonctionnent comme un émetteur radio. Le clavier, l’unité centrale, les câbles de connexion, l’écran bien sûr, autant de sources de radiation électromagnétiques aussi indiscrètes que possible, baptisées signaux parasites compromettants ou signaux rouges qui parcourent l’éther dans un rayon pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres. Les capter est aussi simple que de se brancher sur une station de radio commerciale, pour peu que l’on dispose d’un récepteur un peu sophistiqué.

Dans la camionnette est installé un Dynamic Science A-110 b, gamme d’onde 1 kHz - 1 GHz, diffusé par la firme Prana. Pour faciliter encore la démonstration, les ingénieurs du Célar ont doté leur petite station de réception d’une antenne de télévision pour caravane, de la taille d’une assiette, disponible chez tous les accessoiristes automobiles.

Toujours très attentifs à la sécurité de leurs installations, les militaires ont donc pris les choses en main. Au ministère de la Défense, plusieurs hauts responsables ont fait l’objet de visites traumatisantes : des techniciens leur proposaient de se rendre dans l’une de leurs camionnettes garées dans la cour de l’Ilot Saint-Germain ou sur un trottoir. Sidérés, ces officiers supérieurs voyaient défiler le texte du courrier que leur secrétaire était en train de taper au même moment.

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