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I. Algèbre tensorielle. Définitions

Changement de repère. Vecteurs covariants et contravariants. Indices muets et libres. Formes linéaires, tenseurs covariants. Espace dual. Produit contracté de deux vecteurs. Formes multilinéaires et tenseurs (covariants, contravariants, mixtes). Définition générale du tenseur. Déterminant d'un tenseur du second ordre.

1. Préliminaire

Une introduction au tenseur et à l’algèbre tensorielle ne saurait être sans un bref retour aux notions élémentaires d’espace vectoriel affine et d’espace métrique.

Considérons un espace En à n dimensions. On lui associe une base (ou repère) {e1, e2, , en}

Un vecteur V pourra être exprimé au moyen de la somme géométrique : V=V1 e1++Vn en=iVi eii=(1, 2, , n)

Nous supposons que la base est constituée par un système quelconque de n vecteurs linéairement indépendants. Ces vecteurs, unitaires pour la base considérée, ne le sont plus pour une autre base.

Si on suppose que, dans l’espace considéré, il n’est pas possible de comparer les longueurs |e1|, |e2|, , |en|, on dira qu’il s’agit d’un espace vectoriel affine.

Si par contre il est possible de trouver un étalon qui soit comparable à toutes les longueurs |e1|, |e2|, , |en|, on dira qu’il s’agit d’un espace métrique.

En algèbre tensorielle, il ne sera question que d’espace vectoriel affine.

2. Changement de repère

On considère à présent un nouveau repère {E1, E2, , En}.

Si nous désignons par {akM} la projection par rapport à l’hyperplan défini par les autres axes, du vecteur EM (nouveau système) sur le vecteur de base ek (ancien système), nous avons n équations :

E1=a11 e1++an1 en=kak1 ekEn=a1n e1++ann en=kakn ek

De manière condensée,on écrira : Ej=i=ni=1aijei

L’indice supérieur des nombres a correspond à un ancien axe et l’indice inférieur à un nouvel axe.

On définit ainsi une matrice de la transformation linéaire [A] telle que : [A]=(a11a21an1a12a22an2a1na2nann)

La matrice [A]=[aji] est supposée régulière, donc inversible en une matrice [B]=[bji]  : ei=j=nj=1bji Eji=(1, 2, , n)

Les composantes bji étant données par la relation : bji=AijA

Aij est le coefficient (ou mineur) de aji dans le développement du déterminant |A|.

D’après la théorie des déterminants adjoints : |B|=1|A|;alk=BklB

Nous poserons : gjk=i=ni=1aji bik

Les relations suivantes sont vérifiées :

gji=1sii=jgji=0siij

On écrira donc, en introduisant le symbole de Kronecker δji :

makm bmj=δkjkakm blk=δlm

3. Vecteurs covariants. Vecteurs contravariants

Rappelons les formules de transformation des vecteurs de base d’un repère dans l’autre et réciproquement {i, j=1, 2, , n} : Ej=i=ni=1aij eiei=j=nj=1bji Ej

Tout vecteur qui, lors d’un changement du système de base, se transforme suivant les règles de transformation des vecteurs de base est dit vecteur covariant : l’indice des coordonnées est placé en position basse.

En général, les vecteurs usuels ne suivent pas cette règle de transformation. Ils sont dits contravariants : l’indice des coordonnées est placé en position haute.

Soit en effet un vecteur dont les composantes sont respectivement (dans l’ancien et le nouveau système): (x1, x2 , xn);(X1, X2, , Xn)

On peut écrire : kxk ek=klxk blk El=lXl El

On a donc : Xl=kblk xkxk=makm Xm

La loi de transformation des x est en quelque sorte contraire à celle des vecteurs de base e.

On exprime ce fait en disant que les composantes d’un vecteur constituent un tenseur contravariant du premier ordre.

4. Indices muets. Indices libres

Reprenons la première formule : Ej=i=ni=1aij eij=(1, 2, , n)

La sommation porte sur un indice i=(1, 2, , n). Cet indice est dit muet, car il figure deux fois dans le monôme en sommation : une fois en haut et une fois en bas.

4.1. Notation d’Einstein

Dans cette notation condensée, on n’affiche qu’un seul terme de la somme et le signe disparaît, comme sous-entendu, l’indice muet (répété) étant suffisant.

Reprenons les relations précédemment écrites en supprimant le signe ) :

Ej=aij eiei=bji EjXj=bji xixi=aij Xj

D’où pour l’expression d’un vecteur V : V=xi ei=xi bji Ej=Xj Ej

On en déduit, les Ej étant linéairement indépendants : Xj=bji xi

4.2. Indices libres

Reprenons la relation précédente : Ej=aij ei

L’indice j figure à la même place dans les deux membres. On ne somme pas par rapport à j qui est alors un indice libre.

Cette formule résume les n équations que l’on obtiendrait en attribuant successivement à cet indice j les valeurs 1, 2, , n.

5. Formes linéaires.Tenseurs covariants

Rappelons qu’une fonction f(X) de la variable vectorielle de l’espace affine est une forme linéaire si, X, Y étant deux vecteurs quelconques de cet espace, on a :

f(X+Y)=f(X)+f(Y)f(λ X)=λ f(X)λ quelconque

Par suite : X=xi eif(X)=f(xi ei)=xi f(ei)=yi xi

Les quantités yi=f(ei) ne dépendent que de la base (ei). Elles définissent complètement f(X). On dit qu’elles en constituent ses coordonnées.

Effectuons le changement de repère : xj=aji Xi

Le scalaire f(X) est évidemment invariant dans cette transformation : f(X)=xj f(ej)=aji Xi(yj)=Yi Xi

Cette relation étant une identité par rapport aux Xi, les coefficients des coordonnées de X dans f(X) se transforment donc suivant : Yi=aji yj

En multipliant les deux membres par bik et en sommant les deux membres par rapport à i : bik Yi=bik aji yj=gjk yj=yk

En rapprochant le premier membre et le dernier membre de cette suite d’égalités : yj=bij Yi

Par suite, les nouveaux Y se déduisent des anciens y au moyen des a qui déduisaient les nouveaux E des anciens e.

Inversement, les anciens y se déduisent des nouveaux Y au moyen des b. La loi de transformation des y est donc la même que celle des e.

On exprime ce fait en disant que les coordonnées y de f(X) constituent un tenseur du premier ordre.

6. Espace dual

La suite {y1, y2, , yn}, coordonnées de la fonction f(X), la variable X étant un vecteur de En, peut être considérée comme l’ensemble des coordonnées d’un vecteur Y d’un autre espace En également à n dimensions.

Nous dirons que En est l’espace dual de En.

Une transformation de coordonnées définie dans En par : Xj=bji xixi=aij Xj

détermine automatiquement la transformation de coordonnées définie par les deux relations précédentes : Yi=aji yj;yj=bij Yi

dans En et réciproquement.

Nous dirons, pour ne pas indiquer chaque fois la base de En, que les vecteurs de En sont covariants. La covariance d’un vecteur est indiquée par des composantes d’indices inférieurs.

Covariance et contravariance expriment des propriétés réciproques des espaces En et En et n’ont de sens que si l’on donne la base (e) de En ou les formules de changement de repère.

7. Produit contracté de deux vecteurs

On appelle produit contracté de deux vecteurs de variance différente, la forme linéaire : XY=xi yi

D’après sa définition même, un produit contracté est invariant dans un changement de repère.

En effet : xi yj = aij Xj bki Yk = gkj Xj Yk = Xj Yj

De plus, si X est un vecteur de En (ou de En), si Y et Z sont deux vecteurs de En (ou de En) et si λ est un nombre quelconque :

XY=YXcommutativitéX(Y+Z)=XY+XZdistributivité(λ X)Y=X(λ Y)=λ (XY)associativité du produit par un nombre

8. Formes multilinéaires et tenseurs

Considérons un ensemble de vecteurs contravariants de En, par exemple 3 :

X={x1, x2, , xn}Y={y1, y2, , yn}Z={z1, z2, , zn}

et des vecteurs covariants de son espace dual En, par exemple 2 :

U={u1, u2, , un}V={v1, v2, , vn}

On appelle forme multilinéaire toute fonction scalaire d’un nombre quelconque de ces vecteurs, linéaire par rapport à chacun d’eux.

8.1. Tenseur covariant

La forme trilinéaire f(X, Y, Z) peut s’écrire : f(X, Y, Z)=tijk xi yj zk

où les tijk=f(ei, ej ,ek) sont des coefficients numériques qui ne dépendent que du repère choisi.

La forme trilinéaire f(X, Y, Z), scalaire, est donc invariante dans tout changement de base.

Or, dans le nouveau repère : f(X, Y, Z)=Xl Ym Zn f(El, Em, En)=Xl Ym Zn Tlmn

Par suite : Tlmn Xl Ym Zn=tijk xi yj zk=tijk ail ajm akn Xl Ym Zn

Cette relation étant une identité par rapport aux vecteurs X, Y, Z, on en déduit que : Tlmn=ail ajm akn tijk

Nous dirons que la forme trilinéaire f(X, Y, Z) définit un tenseur covariant du troisième ordre ayant pour composantes (ou coordonnées) les coefficients tijk de cette forme.

8.2. Tenseur contravariant

La forme bilinéaire f(U, V) peut s’écrire : f(U, V)=tij ui vj

Les tij ne dépendant que du repère choisi. Un calcul analogue au précédent et utilisant la covariance des vecteurs U, V conduit à : Tlm=bli bmj  tij

Nous dirons que la forme bilinéaire définit un tenseur contrevariant du deuxième ordre ayant pour composantes (coordonnées) les coefficients tij de cette forme.

8.3. Tenseurs mixtes

La forme trilinéaire f(X, U, V) peut s’écrire : f(X, U, V)=tjki xi uj vk

où les coefficients numériques tjki ne dépendent que du repère choisi et non des vecteurs X, U, V.

En appliquant à ces vecteurs arbitraires les formules de changement de base : Tmnl=ail bmj bnk  tljki

Nous dirons que la forme f(X, U, V) définit un tenseur mixte du troisième ordre une fois covariant et deux fois contravariant, ayant pour composantes (ou coordonnées) les coefficients tjki de cette forme.

L’indice inférieur (i) indique la covariance des composantes et les deux indices supérieurs (j) et (k) indiquent leur double contravariance.

9. Définition général du tenseur

Soit un ensemble de np nombres tjki affectés chacun de q indices supérieurs et r indices inférieurs, rattachant, à p=q+r titres différents, chaque nombre à p des axes de coordonnées (pn).

Par définition, ces nombres constituent les composantes d’un tenseur du pième ordre si, par un changement de coordonnées, ils se transforment par la loi : Tvwu=aiu bvj bwk  tjki

faisant intervenir :

  • un a pour chaque indice inférieur (covariant) ;

  • un b pour chaque indice supérieur (contravariant).

Le tenseur est autant de fois covariant qu’il y a d’indices inférieurs (ceux de ses composantes) et autant de fois contravariant qu’il y a d’indices supérieurs (ceux de ses composantes).

L’ensemble des np nombres considérés constitue un tenseur qui présente la variance indiquée.

Remarquons que a et b ne sont pas des tenseurs, car leurs indices sont relatifs à deux repères différents : ils sont placés pour respecter la loi de sommation.

En vertu de la réciprocité des formules : Ej=aij eiei=bji Ej

le système précédent, résolu par rapport aux tjki, devient : tjki=bui ajv akw  Tvwu

Ce système de np équations peut d’ailleurs s’obtenir d’une façon directe très simple. Il suffit de multiplier les deux membres de la relation précédente : Tvwu=aiu bvj bwk  tjki

successivement par : akw, ajv, bui

et de sommer les indices muets w, v, u de ces faux monômes.

– À la première opération, on obtient : akw  Tvwu=akw (aiu bvj bwk  tjki)=aiu  tjki

en ayant tenu compte de la relation : akw bwk=gkknul pour  kk

– À la deuxième opération : ajv akw  Tvwu=ajv (aiu bvj  tjki)=aiu  tjki

en ayant tenu compte de la relation : ajv bvj=gjjnul pour  jj

– À la troisième opération : bui ajv akw  Tvwu=bui (aiu  tjki)=tjki

en ayant tenu compte de la relation : aiu bui=giinul pour ii

10. Déterminant d’un tenseur du second ordre

Un tenseur du second ordre admet n2 composantes avec lesquelles on peut former un déterminant, le déterminant du tenseur.

Étant donné par exemple un tenseur deux fois covariant tij d’un espace affine à trois dimensions, on appelle déterminant de ce tenseur le déterminant : d = |t11t12t13t21t22t23t31t32t33|

Si nous changeons de repère, ses composantes deviennent : Tuv=aiu ajv  tij

de sorte qu’il admet les composantes intermédiaires : Θiv=bui Tuw=ajv tij

Par suite : Tuw=aiu Θiv

En désignant par δ et A les déterminants respectifs de Θ et de a, la théorie des déterminants permet d’écrire que : δ=A d

Par suite, le déterminant D associé à T sera : D=A2 d

On verrait de même que le déterminant d’un tenseur deux fois contravariant est multiplié par B2, carré du déterminant des b, et que le déterminant d’un tenseur mixte du second ordre est inchangé si l’on effectue un changement de base.

Dans le cas général d’un espace affine à n dimensions, le même raisonnement montre que le déterminant d’un tenseur deux fois covariant est multiplié par An1, celui d’un tenseur deux fois contravariant par Bn1, et celui d’un tenseur mixte du second ordre inchangé.

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