1. Notion première de fonction d’onde
Revenons à l’expérience des interférences lumineuses. L’intensité des franges d’interférences était proportionnelle au carré de l’amplitude de l’onde lumineuse. On peut en faire l’interprétation quantique suivante :
Chacun des photons peut se matérialiser en n’importe quel point de l’écran. La probabilité d’apparition du phénomène est proportionnelle au carré de l’amplitude \(\Psi\) de l’onde qui lui est associée.
D’une manière générale, pour une particule à laquelle est attachée une fonction d’onde \(\Psi\), on pourra dire que :
\(|\Psi|^2\) est proportionnel à la probabilité que la particule puisse se se trouver en un point \(\{x,~y,~z\}\) à l’instant \(t\).
D’une manière plus générale, on peut associer à toute grandeur physique attachée à la particule (énergie, quantité de mouvement, moment cinétique, etc.) une probabilité d’avoir une certaine valeur exprimée à l’aide de la fonction \(\Psi(x,~y,~z,~t)\).
2. Un paradoxe
Dans l’expérience des trous de Young, on ne doit surtout pas affirmer que le phénomène est dû à l’interférence de l’onde représentant un photon avec celle représentant un autre photon. Ce que l’on peut affirmer, c’est que l’onde représentant chacun des photons, considéré individuellement, est responsable de la loi de probabilité qui caractérise le phénomène.
Chaque photon interfère avec lui-même ! Le photon ne cède pas d’énergie, le quantum d’énergie étant indivisible !
Le paradoxe : admettre que le photon est passé par les deux trous à la fois. Ceci parce qu’il n’y a pas d’opposition entre la description ondulatoire et la description corpusculaire, toutes deux complémentaires.
D’où cette vision de synthèse : le problème de la mécanique quantique se ramène donc à la détermination de la fonction d’onde \(\Psi\).
3. Des crochets de Dirac à une intégrale
Nous avons vu que ce que nous avons appelé amplitude pouvait être considéré dans un état de base \([i]\) au temps \([t]\), et exprimé par la forme : \[C_i(t)=\langle i|\Psi(t)\rangle\qquad[1]\]
Par analogie, pourrait adopter une écriture \(C_{\Psi}(x)\).
Ce qui nous conduit, pour la fonction d’onde, à une forme devenue usuelle et pratique : \[\Psi(x)=\langle x|\Psi\rangle\qquad[2]\]
\(\Psi\) définit ainsi une fonction mathématique de \(x\) égale à l’amplitude pour être localisée en chaque point \((x)\) le long de la ligne des \(\{x\}\).
\(\Psi(x)\) étant l’amplitude pour qu’une particule dans l’état \(\Psi\) se trouve dans la position \(x\), nous serons tentés d’interpréter \(|\Psi(x)|^2\) comme la probabilité de trouver cette particule dans cette position \(x\).
Rappelons (probabilité en variable aléatoire continue) que la probabilité de trouver exactement la particule au point \(x\) est strictement nulle.
La particule se trouvera toujours dans un domaine \(\Delta x\), le plus petit soit-il et la probabilité de la trouver dans ce domaine ne peut être établie qu’à partir d’une distribution. Celle-ci sera pensée comme : \[\text{Prob}(x,~\Delta x)\qquad[3]\]
L’amplitude \(\langle x|\Psi\rangle\) s’apparente alors à une densité de sorte que l’on peut écrire : \[\text{Prob}(x,~\Delta x)=|\langle x|\Psi\rangle|^2~\Delta x\qquad[4]\]
Et sous une forme simplifiée : \[\text{Prob}(x,~\Delta x)=|\Psi|^2~\Delta x\qquad[5]\]
Considérons à présent deux états \(\Phi\) et \(\Psi\). Nous avons écrit, avec le formalisme de Dirac, et une approche discrète que : \[\langle \Phi|\Psi\rangle=\sum_{\text{tout}~x}\langle \Phi|x\rangle~\langle x|\Psi\rangle\qquad[6]\]
On peut comprendre que, passant du domaine discret à celui du continu, le signe \(\sum\) cédera la place au signe \(\int\).
D’où ce passage de [6] à [7] : \[\langle \Phi|\Psi\rangle=\int_{\text{tout}~x}\langle \Phi|x\rangle~\langle x|\Psi\rangle~dx\qquad[7]\]
Ce qui nous conduit à (voir chapitres précédents) : \[\langle \Phi|\Psi\rangle=\int\overline{\Phi(x)}~~\Psi(x)~dx\qquad[8]\]
4. Normalisation des états en \(x\)
Nous avions vu que, s’agissant du cas discret, une condition fondamentale à laquelle devaient satisfaire l’ensemble des états de base était : \[\langle i|j\rangle=\delta_{ij}\quad\text{(symbole de Kronecker)}~~\qquad[9]\]
Ainsi (trivial), si une particule est dans un état de base, la probabilité (ou amplitude) pour qu’elle soit dans un autre état de base est strictement nulle. De plus, choisissant une normalisation appropriée, il est toujours possible de faire en sorte que : \[\langle i|i\rangle=\delta_{ii}=1\qquad[10]\]
Posons-nous à présent la question suivante :
Une particule se trouve dans l’état de base \(\{|x\rangle\}\). Quelle est l’amplitude (probabilité) pour qu’elle soit dans un autre état de base \(\{|x'\rangle\}\) ?
Si \(x\) et \(x'\) sont deux emplacements différents le long de la droite qui les porte, on aura pour l’amplitude : \[\langle x|x'\rangle=0\qquad\text{cf.}~[9]\]
On notera cependant que si \(x\) et \(x'\) sont égaux, on n’aura pas nécessairement la valeur \(1\). C’est toute la question de la normalisation.
Revenons à présent à notre relation [6] : \[\langle \Phi|\Psi\rangle=\sum_{\text{tout}~x}\langle \Phi|x\rangle~\langle x|\Psi\rangle\]
Imaginons alors ce cas particulier où l’état \(\{|\Phi\rangle\}\) est précisément l’état de base \(|x'\rangle\). On peut alors écrire : \[\langle x'|\Psi\rangle=\int\langle x'|x\rangle~\Psi(x)~dx\qquad[11]\]
Ou encore : \[\Psi(x')=\int\langle x'|x\rangle~\Psi(x)~dx\qquad[12]\]
Remarque
Cette équation [12] doit être vérifiée pour tout état \(\{|\Psi\rangle\}\) et donc pour toute fonction arbitraire \(\{\Psi(x)\}\). Cette exigence devrait déterminer complètement la nature de l’amplitude \(\langle x'|x\rangle\). C’est bien sûr une fonction qui dépend à la fois de \(x\) et de \(x'\).
5. Fonction de Dirac
Nous sommes ramenés au problème qui consiste à trouver une fonction \(f(x,~x')\) qui, multipliée par \(\Psi(x)\) et intégrée sur tous les \(x\) donne tout simplement la quantité \(\Psi(x')\). La seule fonction mathématique qui puisse le faire est l’impulsion de Dirac de la théorie des distributions.
Prenons pour \(x'\) le nombre particulier 0 et définissons l’amplitude \(\langle 0|x\rangle\) comme une certaine fonction \(f(x)\). On montre que l’on peut écrire (cf. [9]) : \[\Psi(0)=\int f(x)~\Psi(x)~dx\qquad[13]\]
Et on a donc : \[\Psi(0)=\int\delta(x)~\Psi(x)~dx\qquad[14]\]
Généralisation : espace à trois dimensions
L’opération est pratiquement immédiate :
-
la coordonnée \(x\) est remplacée par un vecteur \(r\) ;
-
les intégrales \(\int\) sont remplacées par des intégrales \(\iiint\) ;
-
la fonction impulsion de Dirac \(\delta(x)\) est remplacée par un produit : \[\delta(x-x')~\delta(y-y')~\delta(z-z')\qquad[15]\]
D’où l’ensemble généralisé des équations sur les amplitudes : \[[16]\qquad \left\{ \begin{aligned} &\langle \Phi|\Psi\rangle=\int\langle \Phi|r\rangle~\langle r|\Psi\rangle~d\tau\\ &\langle r|\Psi\rangle=\Psi(r)\\ &\langle r|\Phi\rangle=\Phi(r)\\ &\langle \Phi|\Psi\rangle=\int\overline{\Phi(r)}~~\Psi(r)~d\tau\\ &\langle r'|r\rangle=\delta(x-x')~\delta(y-y')~\delta(z-z') \end{aligned} \right.\]
6. Extension à un ensemble de particules
Il est plus commode d’amorcer la réflexion dans le cas de deux particules de façon à mettre en évidence un nouveau paradoxe (décidément) qui sera soigneusement évité par la suite.
Imaginons deux particules numérotées \((1)\) et \((2)\) se trouvant dans des états de base respectifs \(x_1\) et \(x_2\), ce qui peut être exprimé par \(|x_1x_2\rangle\).
La position de l’une ou de l’autre des deux particules ne définit pas un état de base. Ne pas imaginer chaque particule se déplaçant comme une onde à trois dimensions.
Tout état physique peut se définir en donnant toutes les amplitudes \(|x_1x_2\rangle\) pour trouver les deux particules en \(x_1\) et en \(x_2\).
L’amplitude généralisée est alors une fonction de deux ensembles de coordonnées \(x_1\) et \(x_2\). On voit bien qu’une telle fonction ne peut être une onde au sens classique de l’oscillation qui se déplacerait dans trois dimensions.
Bien noter surtout qu’il ne s’agit pas du simple produit de deux ondes individuelles, une pour chaque particule. Il s’agit d’une sorte d’onde selon les 6 dimensions définies par \(x_1\) et \(x_2\).
S’il existe dans la nature deux particules qui interagissent entre elles, il n’est pas possible de décrire ce qui arrive à l’une des deux particules en cherchant à décrire une fonction d’onde pour elle uniquement.
7. L’équation de Schrödinger
7.1. Paradoxe du chat de Schrödinger
Pour bien comprendre la différence de perception entre le monde réel et le monde quantique, l’exemple du radar de détection de vitesse est peut-être le plus simple et le plus précis. L’objet ou observable (véhicule mobile) et le radar (observateur) sont effectivement en interaction.
Dans cet exemple, particulièrement bien connu, l’échange d’information entre observé (voiture) et observateur (détecteur radar) n’altère en rien la situation de l’objet observé : ce n’est pas l’onde radar qui va perturber le mouvement du véhicule compte tenu de la différence énorme des ordres de grandeurs physique.
Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit d’une particule, de ce que l’on peut appeler un objet quantique. D’où cette fameuse expérience imaginaire réalisée par le physicien Schrödinger.
Il imagine un chat enfermé dans une boîte dans laquelle un dispositif mortel peut être déclenché, avec une chance sur deux que cela vienne à se produire.
1) Considérant la boîte fermée, on peut dire que la probabilité pour que le chat soit mort (ou vivant) est de 0,5. Ces probabilités étant égales, on peut oser dire que le chat est à la fois mort et vivant, sans pouvoir dissocier les deux possibilités.
2) La boîte est ouverte, et dès cet instant, que le chat est soit vivant à 100 %, soit mort à 100 %. Et ceci est une certitude.
On peut donc dire que les solutions de la physique quantique ont été réduite.
7.2. Équation de Schrödinger. Cas d’une particule libre
Nous avions décrit la variation des états en fonction du temps en terme de Hamiltonien \(H_{ij}\). La variation des diverses amplitudes en fonction du temps était donnée par l’équation matricielle : \[i~\hbar~\frac{dC_i(t)}{dt}=\sum_jH_{ij}~C_j\qquad[17]\]
Nous avions pu l’exprimer par : \[i~\hbar~\frac{d}{dt}\langle i|\Psi\rangle=\sum_j\langle i|\hat{H}|j\rangle~\langle j|\Psi\rangle\qquad[18]\]
Et pour une représentation \(\{x\}\) : \[i~\hbar~\frac{d}{dt}\langle x|\Psi\rangle=\int\langle x|\hat{H}|x'\rangle~\langle x'|\Psi\rangle~dx'\qquad[19]\]
La somme sur tous les états de base étant remplacée par une intégrale.
Mais nous savons que \(\langle x|\hat{H}|x'\rangle\) doit être une fonction de \(x\) et de \(x'\), donc susceptible d’être écrite sous la forme \(H(x,~x')\), ce qui correspond au terme \(H_{ij}\) de l’équation [18]. On peut alors écrire : \[[20]\qquad \left\{ \begin{aligned} &i~\hbar~\frac{d}{dt}\Psi(x)=\int H(x,~x')~\Psi(x')~dx'\\ &H(x,~x')\equiv\langle x|\hat{H}|x'\rangle \end{aligned} \right.\]
D’après cette dernière équation, le tau de changement de \(\Psi\) au point \(x\) doit dépendre de la valeur de \(\Psi\) en tous les autres points. Le facteur \(H(x,~x')\) peut donc être considérée comme l’amplitude par unité de temps que la particule saute de la position \(x\) à la position \(x'\).
Cette amplitude est nulle sauf pour des points \(x'\) très proches de \(x\). Ceci implique que le terme de droite de l’équation [20] puisse être exprimé en termes de \(\Psi\) et de ses dérivées premières par rapport à \(x\) toutes évaluées au point \(x\).
Schrödinger a établi que, pour une particule \(\{x\}\) se déplaçant librement dans l’espace sans qu’il ne s’exerce sur elle de forces ou de perturbations, la loi correcte de la physique était : \[\int H(x,~x')~\Psi(x')~dx'=-\frac{\hbar^2}{2~m}~\frac{d^2}{dx^2}~\Psi(x)\qquad[21]\]
7.3. Équation de Schrödinger. Cas d’une particule soumise à des forces
Que se passe-t-il à présent si nous faisons agir des forces sur la particule libre ?
Dans l’hypothèse d’énergies faibles et faisant abstraction des mouvements relativistes, le hamiltonien le mieux adapté à une situation réelle est tel que : \[\int H(x,~x')~\Psi(x')~dx'=-\frac{\hbar^2}{2~m}~\frac{d^2}{dx^2}~\Psi(x)+V(x)~\Psi(x)\qquad[22]\]
En reportant cette expression dans l’intégrale [20], nous obtenons pour \(\Psi(x)=\langle x|\Psi\rangle\) l’équation différentielle suivante : \[i~\hbar~\frac{\partial\Psi}{\partial t}=-\frac{\hbar^2}{2~m}~\frac{\partial^2}{\partial x^2}~\Psi(x)+V(x)~\Psi(x)\qquad[23]\]
Pour un mouvement à trois dimensions, on fera le remplacement : \[[24]\qquad \left\{ \begin{aligned} \frac{d^2}{dx^2}\quad&\Rightarrow\quad\nabla^2=\frac{\partial^2}{\partial x^2}+\frac{\partial^2}{\partial y^2}+\frac{\partial^2}{\partial z^2}\\ V(x)\quad &\Rightarrow\quad V(x,~y,~z) \end{aligned} \right.\]
Pour une particule se déplaçant dans un potentiel \(V(x,~y,z~)\) (électron par exemple), l’amplitude obéit à l’équation différentielle : \[i~\hbar~\frac{\partial\Psi}{\partial t}=-\frac{\hbar^2}{2~m}~\nabla^2\Psi+V~\Psi\qquad[25]\]
Il s’agit de l’équation de Schrödinger, la toute première équation de la mécanique quantique. Elle devient, dans le cas d’un grand nombre de particules : \[-i~\hbar~\frac{\partial}{\partial t}\Psi(r_1,~r_2,~\dots,~r_n)= \sum_i\frac{\hbar^2}{2~m_i}~\Big\{\frac{\partial^2\Psi}{\partial x_i^2}+\frac{\partial^2\Psi}{\partial y_i^2}+\frac{\partial^2\Psi}{\partial z_i^2}\Big\}+V(r_1,~r_2,~\dots,~r_n)~\Psi\qquad[26]\]
Exemple : cas où \(V\) correspond à une énergie électrostatique : \[V(r_1,~r_2,~\dots,~r_n)=\sum\frac{Z_i~Z_j}{r_{ij}}~\frac{e^2}{4\pi~\varepsilon_0}\]
la \(i^{\text{ème}}\) particule étant porteuse d’une charge \(Z_i~e\) (\(e\) étant la charge de l’électron).