1. Capacités calorifiques et chaleurs spécifiques
Un système qui passe d’un état initial \(I\) à un état final \(F\) par une suite de transformations successives reçoit du milieu extérieur une quantité de chaleur \(Q\) bien déterminée.
Soient par ailleurs \(T_i\) et \(T_f\) les températures respectives du système.
Nous désignerons sous le nom de capacité calorifique moyenne du système, entre ces deux températures et pour la transformation considérée, la quantité : \[C=\frac{Q}{T_f-T_i}\]
Passons à une transformation infinitésimale où la température passe de \(T\rightarrow T+dT\), la quantité de chaleur étant \(dQ\).
Nous désignerons sous le nom de capacité calorifique du système à la température T et pour la transformation considérée la quantité : \[C=\frac{dQ}{dT}\]
Il sera souvent souhaitable de considérer la capacité calorifique par unité de masse ou chaleur spécifique du système, de masse m : \[c=\frac{1}{m}~\frac{Q}{T_F-T_I}\quad\text{ou encore}\quad c=\frac{1}{m}~\frac{dQ}{dT}\]
La chaleur spécifique dépend essentiellement de la transformation considérée.
Elle peut notamment être positive, négative, nulle ou infinie suivant la valeur de la variation de température qui accompagne l’absorption de chaleur du système.
Dans le cas où la transformation a lieu à température constante, on désigne la chaleur absorbée sous le nom de chaleur latente de transformation.
Exemples
Considérons un système chimique ne recevant du travail que des forces extérieures. On peut définir sa capacité calorifique à volume constant (travail reçu nul) : \[C_V=\Big(\frac{dQ}{dT}\Big)_V\]
On peut de même définir une capacité calorifique à pression constante : \[C_P=\Big(\frac{dQ}{dT}\Big)_P\]
Remarque
Dans une transformation \((I\rightarrow F)\) d’un système quelconque, la variation d’énergie interne ne dépend que des états \(I\) et \(F\). Par contre, le travail \(W\) reçu par le système dépend non seulement de \(I\) et \(F\), mais de tous les états intermédiaires.
Il en résulte que la chaleur reçue par le système : \[Q=U_F-U_I-W\]
dépend non seulement de \(I\) et \(F\) mais aussi de tous les états intermédiaires.
L’intérêt du premier principe est de remplacer les notions de travail et de chaleur reçues par le système, notions essentiellement liées à l’ensemble des transformations subies (qui peut être d’une complication inextricable) par la notion de travail global d’une propriété du système (la fonction d’état d’énergie interne) parfaitement définie dans les deux états d’équilibre initial et final.
Quand il s’agira par exemple d’appliquer le premier principe à des transformations quelconques (explosives par exemple), faisant passer le système d’un état d’équilibre initial à un état d’équilibre final, nous l’exprimerons sous la forme : \[W+Q=U_F-U_I\]
\(W\) et \(Q\) étant en général déduits des modifications subies par le milieu extérieur.
Considérons un fluide homogène défini par une équation d’état, ne pouvant recevoir de travail que des forces de pression. Soient par exemple \(T\) et \(V\) les variables indépendantes.
Nous pouvons écrire, pour une transformation réversible :
\[\begin{aligned} &dW=-p~dv\\ &dQ=dU-dW=\frac{\partial U}{\partial T}~dT+\Big(\frac{\partial U}{\partial v}+p\Big)~dv\end{aligned}\]
2. Coefficients calorimétriques d’un fluide homogène
Pour fixer les idées, nous considèrerons un système comme constitué par une masse de fluide égale à l’unité. L’état du fluide à l’équilibre peut être défini par deux quelconques des trois variables \([p,~v,~T]\).
La chaleur reçue par le fluide dans une transformation réversible élémentaire peut être exprimée par une forme différentielle des deux variables choisies comme variables indépendantes.
La transformation fait passer le fluide de l’état \([p, v, T\)] à l’état \([p+dp, v+dv, T+dT]\). La quantité de chaleur reçue par le fluide dans cette transformation réversible est \(dQ\).
2.1. Étude par couples de variables indépendantes
Nous distinguerons trois cas, suivant la nature des variables indépendantes choisies pour représenter l’état du fluide.
2.1.1. Variables indépendantes v et T
Équation d’état \(p(v,~T)\) \[dQ=c_v~dT+l~dv\]
Les deux paramètres sont fonctions de \(v\) et de \(T\). Nous reconnaissons dans le premier la chaleur spécifique à volume constant (en faisant \(dv = 0\)). Le deuxième paramètre \(l\) est la chaleur latente de dilatation.
2.1.2. Variables indépendantes p et T
Équation d’état \(v(p, T)\) \[dQ=c_p~dT+h~dp\]
Les deux paramètres sont fonctions de \(p\) et de \(T\). Nous reconnaissons dans le premier la chaleur spécifique à pression constante (en faisant \(dp = 0\)). Le deuxième paramètre \(h\) est la chaleur latente d’augmentation de pression.
2.1.3. Variables indépendantes p et v
Équation d’état \(T(p, v)\) \[dQ=\lambda~dp+\mu~dv\]
2.2. Relations entre les coefficients calorimétriques
Les six coefficients calorimétiques précédents ne sont pas indépendants, la connaissance de deux d’entre eux suffisant à exprimer \(dQ\) dans une transformation élémentaire donnée. Il existe donc quatre relations entre ces six coefficients.
a) Chauffons le fluide de \(dT\) à volume constant.
On a la transformation d’état suivante : \[\{p,~v,~T\}\quad\rightarrow\quad \Big\{p+\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v~dT,~v,~T+dT\Big\}\]
On a dans ce cas : \[(dQ)_v=c_v~dT=c_p~dT+h~\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v~dT=\lambda~\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v~dT\]
En identifiant : \[c_v=\lambda~\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v\quad;\quad c_v-c_p=-h~\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v\]
b) Chauffons le fluide de \(dT\) à pression constante.
On a la transformation suivante : \[\{p,~v,~T\}\quad\rightarrow\quad \Big\{p,~v+\Big(\frac{\partial v}{\partial T}\Big)_p~dT,~T+dT\Big\}\]
On a dans ce cas : \[(dQ)_p=c_p~dT=c_v~dT+l~\Big(\frac{\partial v}{\partial T}\Big)_p~dT=\mu~\Big(\frac{\partial v}{\partial T}\Big)_p~dT\]
En identifiant : \[c_p=\mu~\Big(\frac{\partial v}{\partial T}\Big)_p\quad;\quad c_p-c_v=l~\Big(\frac{\partial v}{\partial T}\Big)_p\]
La connaissance de \(c_p,~c_v\) et des quotients différentiels \((\partial p/\partial T)_v,~(\partial v/\partial T)_p\), fournis par l’expérience ou par l’équation d’état, suffit donc à prévoir tous les coefficients calorimétriques.
Les coefficients calorimétriques sont des fonctions d’état au même titre que le volume ou la température ; ils permettent d’exprimer de façon simple la différence d’énergie interne entre deux états du fluide infiniment voisins.
Imaginons en effet, pour un instant, que le passage d’un état à l’autre, s’opère de façon réversible. Nous pourrons écrire :
\[\begin{aligned} dW_{rev}&=-p~dv\\ dQ_{rev}&=c_v~dT+l~dv\\ dU&=c_v~dT+(l-p)~dv\end{aligned}\]
Insistons encore sur le fait que, alors que les deux premières relations qui font intervenir \(dW\) et \(dQ\) sont essentiellement liées à des transformations quasi statiques (qui interviennent comme calculs intermédiaires), la dernière est valable pour une transformation quelconque.
Il n’est pas nécessaire qu’elle soit liée à une transformation, du fait qu’elle exprime l’écart d’énergie interne entre deux états en fonction de leurs écarts de volume et de température.
Remarque
Supposons qu’au lieu de 1 gramme de fluide nous considérions \(m\) grammes de ce fluide. Dans les équations précédemment décrites, les quantités intensives \(p\) et \(T\) seraient restées les mêmes (donc leurs différentielles). Par contre, les quantités extensives \(v\) (et leurs différentielles) auraient pris des valeurs \(m\) fois plus grandes.
On en déduit immédiatement que les variables \(c_p,~c_v\) auraient pris des valeurs m fois plus grandes (et seraient devenues les capacités calorifiques). Ces variables sont donc extensives.
De même, \(h,~\mu\) auraient pris des valeurs \(m\) fois plus grandes. Elles sont également extensives. Par contre, \(l,~\mu\) seraient restées les mêmes et sont ainsi des variables intensives.
2.3. Application au gaz parfait
Rappelons que dans le cas de 1 gramme de fluide, l’équation d’état est : \[p~v=r~T\]
Nous en tirons :
\[\begin{aligned} &\Big(\frac{\partial v}{\partial T}\Big)_p=\frac{r}{T}\\ &\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v=\frac{r}{v}\end{aligned}\]
Et, tous calculs faits :
\[\begin{aligned} &l=(c_p-c_v)~\frac{p}{r}\\ &h=-(c_p-c_v)~\frac{v}{r}\\ &\lambda=c_v~\frac{v}{r}\\ &\mu=c_p~\frac{p}{r}\end{aligned}\]
Considérons maintenant \(n\) moles (masse moléculaire \(M\)) et introduisons les capacités calorifiques : \[C_p=n~M~c_p\quad;\quad C_v=n~M~c_v\]
\(p\) et \(T\) restent les mêmes alors que \(v\) est \(n~M\) fois plus grand.
Posant \(R = r\), il vient :
\[\begin{aligned} &l=(C_p-C_v)~\frac{p}{n~R}\\ &h=-(C_p-C_v)~\frac{v}{n~R}\\ &\lambda=C_v~\frac{v}{n~R}\\ &\mu=C_p~\frac{p}{n~R}\end{aligned}\]
3. Transformations adiabatiques et réversibles (fluide homogène)
Dans une transformation adiabatique et réversible d’un fluide homogène, la chaleur qu’il reçoit est nulle.
Pour une transformation infinitésimale (compression ou détente) conduite de façon réversible, nous pourrons écrire l’une quelconque des trois relations :
\[\begin{aligned} &dQ=c_v~dT+l~dT=0\\ &dQ=c_p~dT+h~dp=0\\ &dQ=\lambda~dp+\mu~dv=0\end{aligned}\]
Choisissons la troisième (\(\lambda\) et \(\mu\) sont fonctions de \(p\) et \(v\)) : \[\lambda(p,v)~dp+\mu(p,v)~dv=0\quad\Rightarrow\quad \frac{dp}{dv}=-\frac{\mu(p,v)}{\lambda(p,v)}\]
On est ainsi conduit à la relation \(\Phi(p,v)=cte\), cette constante étant déterminée par les conditions initiales \((p_0,~v_0)\).
Nous observons alors que tout au long de la transformation adiabatique et réversible considérée, les variables \(p\) et \(t\) sont parfaitement déterminées dès que \(v\) est fixée.
Dans le diagramme de Clapeyron (cf. le chapitre VI. Notion de travail, § 6), la transformation est représentée par une courbe \(\Phi(p,v)=\Phi(p_0,~v_0)\) désignée sous le nom d’adiabatique (le mot réversible étant sous-entendu).
Nous pouvons dès lors introduire la notion de compressibilité adiabatique, le rapport étant parfaitement déterminé pour la transformation adiabatique et réversible faisant passer le fluide de l’état \((p,v)\) à l’état \(p+dp_Q,~v+dv_Q\), l’indice \(Q\) soulignant que la chaleur reçue est nulle.
Nous pouvons en fait définir deux coefficients de compressibilité \(\chi\) et \(\chi'\) :
\(\chi\) : Coefficient de compressibilité adiabatique : \[\chi=-\frac{1}{v}~\Big(\frac{\partial v}{\partial p}\Big)_Q\]
\(\chi'\) : Coefficient de compressibilité isotherme : \[\chi'=-\frac{1}{v}~\Big(\frac{\partial v}{\partial p}\Big)_T\]
On démontre que : \[\frac{\chi}{\chi'}~\geq~1\]
3.1. Relations de Reech
Cherchons à évaluer le rapport \((\partial v/\partial p)_Q\) en fonction des coefficients calorimétriques.
Nous écrirons que : \[\lambda~dp_Q+\mu~dv_Q=0\qquad\forall~\lambda,~\mu\]
En remplaçant \(\lambda\) et \(\mu\) par leurs valeurs et en tenant compte des définitions précédentes des coefficients \(\chi\) et \(\chi'\), on obtient, tous calculs faits : \[\frac{\chi}{\chi'}=\frac{c_p}{c_v}=\frac{C_p}{C_v}=\gamma\]
Le rapport des compressibilités isotherme et adiabatique est donc égal au rapport des chaleurs spécifiques à pression et à volume constant. C’est la relation de Reech.
On remarque le nouveau coefficient introduit \(\gamma\geq 1\), indiquant que la chaleur spécifique à pression constante est au moins égale à la chaleur spécifique à volume constant, quel que soit le fluide considéré.
Nous obtenons une autre relation très utile en partant de la première relation : \[c_p~dT_Q+h~dp_Q=0\]
En remplaçant \(h\) par sa valeur et, tous calculs faits : \[\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_Q=\frac{\gamma}{\gamma-1}~\Big(\frac{\partial p}{\partial T}\Big)_v\]
Nous avons établi premièrement que : \[\gamma=\frac{c_p}{c_v}=\frac{(dv/dp)_T}{(dv/dp)_Q}\]
Prenant dans les deux termes le même \(dv\) (ou \(dp\)) : \[\gamma=\Big\{\frac{dp_Q}{dp_T}\Big\}_{dv}\quad;\quad\gamma=\Big\{\frac{dv_T}{dv_Q}\Big\}_{dp}\]
Prenant le même \(dT\) pour des transformations infinitésimales et adiabatiques, on obtient les relations suivantes : \[\frac{(dp/dT)_Q}{(dp/dT)_v}=\frac{\gamma}{\gamma-1}=\Big(\frac{dp_Q}{dp_v}\Big)~dT\]
D’où on déduit : \[\gamma=\Big\{\frac{dp_Q}{dp_Q-dp_v}\Big\}_{dT}\]